Ça y est, on vient de passer à la nouvelle année.
Et l’heure a sonné de prendre quelques bonnes résolutions en espérant les tenir plus de deux heures.
La mienne, en plus de gagner de quoi mettre la moutarde dans la vinaigrette, est d’arrêter de manger de la viande. Et par viande, j’entends viande de bœuf et de porc.
Ça ne va pas être facile, je vous dis, j’ai le cœur, et surtout l’estomac, carnivores.
J’avais déjà tenu cette décision-là pendant plusieurs années. Mais mon arrivée en Argentine a été plus forte que ma volonté : impossible de résister à de la viande de pampa, et à la version latino-américaine du barbeuque, j’ai nommé le famoso « asado ».
Déjà, ça fait pas mal de temps que je ne mange plus de viande de « bébé » : veau ou agneau ou quoique ce soit dont on pourrait me dire qu’il a été élevé sous la mère.
Cette décision date sans doute de la nuit que j’ai passée en Bretagne à nourrir deux agneaux fraîchement nés et abandonnés par leur maman ovine. Le fermier du coin ne s’en était pas encore aperçu et c’est un voisin qui a trouvé que le garage de ma sœur avait l’air plus accueillant que le sien. Il avait aussi oublié de préciser que l’odeur de mouton, même bébé, c’est comme celle du bouc : assez peu recommandable et relativement tenace.
J’ai donc passé la nuit à regarder les Jeux Olympiques d’Hiver de Salt Lake City et à donner le biberon toutes les deux heures, en tenant des petits sabots. Et pour rester éveillée en regardant des athlètes skier ou faire du patin pendant des heures, je vous garantis qu’il fallait être salement motivée…
L’accommodant voisin m’avait pourtant prévenue que l’agneau le plus chétif ne voulait rien avaler et ne passerait pas la nuit. Mais j’y suis arrivée !
Et mon cœur s’est fêlé quand l’ingrat berger, même pas conscient de mes efforts, est venu rechercher son troupeau de bébés à la matinée.
Pour me consoler, ma sœur m’a imité le mouton idiot et broyant des molaires, en m’expliquant que mes pupilles allaient très vite vieillir et encore plus vite m’oublier.
Ma sœur fait très bien le mouton, et mon jules imite très bien la chèvre dominante alpha (il m’a fait galoper tout un troupeau d’un bout à l’autre du pré un jour de Saint Valentin passé à la campagne angevine et j’ai été totalement séduite) : ils devraient songer à monter un spectacle…
Bref, ne je mange pas de bébé viande.
Et ça a fait beaucoup rigoler un copain qui m’avait servi un sauté de veau en me disant de faire attention à ne pas avaler la tétine.
Et ça fait beaucoup râler mon mec qui salive régulièrement et en vain devant des tajines d’agneau. Pourquoi les tajines d’agneau sont-ils toujours plus appétissants que ceux au poulet ? Pourquoi les marine-t-on, ceux-là, avec les dates et les aromates, alors qu’on mitonne ceux au poulet avec du citron confit ?
La vie est décidément amère (fine allusion à l’agrume précédemment cité).
Je ne mange donc pas de bébé viande depuis longtemps et j’ai décidé peu après de ne pas non plus manger la maman. Soyons un peu logiques.
J’ai rechuté pendant trois ans, depuis mon arrivée au pays du gaucho, mais cette année, c’est du tout bon, c’est promis, je m’y tiens.
Ça va être dur, je le pressens.
On devrait inventer des patchs pour ça.
Ou alors je vais m’hydrater au jus de viande après la douche.
Ou me parfumer au bourguignon ?
Rhaaaaa, ça va être dur.
(à suivre…)