Ma fille a eu cette intéressante question morale en classe, posée par son professeur de psychologie : « est-ce que, si vous appreniez que votre enfant avait le gène de la psychopathie, avec 90% de risque de développer cette pathologie… vous avorteriez ? »
Et mon premier réflexe, à ouïr cette question, est qu’il faut déjà manquer pas mal d’empathie quand on en est à faire des tests génétiques sur un embryon avec, en tête, la perspective de s’en défaire pour un autre plus conforme à ses attentes.
C’est pour cette même raison que j’ai refusé l’amniocentèse, quand j’étais enceinte de ma fille aînée, et que je me suis fait au passage traiter d’irresponsable par la secrétaire médicale : si on pouvait soigner la trisomie in utero et offrir une meilleure vie à son enfant, j’aurais, sans doute, fait le test.
Mais je préférais en l’occurrence ne pas être mise face au choix moral. C’est peut-être de la lâcheté de ma part. Ou de la sagesse, ou de la foi, ou un mélange des trois.
Mais aussi, accessoirement, si l’on s’en tenait à la science, à la logique et aux maths, le risque de fausse-couche lié à la procédure invasive était, en l’occurrence, plus élevé pour mon bébé que le risque de problème génétique.
C’est ce qui me gêne aujourd’hui, au passage, dans la façon dont nous est présentée la Science – avec sa majuscule de rigueur – aujourd’hui.
C’est qu’on confond trop facilement, à mon avis, science et pratique actuelle de la médecine, science et laboratoires pharmaceutiques, science et théories archéologiques du jour… Quand la nature humaine est d’être faillible et que la nature même de la Science est d’être en constante évolution.
Que la science ne peut pas, ironiquement, être, à l’image de Dieu – si l’on y croit – omnisciente.
Pour rappel, la science gynécologique, il n’y a pas si longtemps, n’imposait pas aux médecins de se laver les mains avant de les mettre dans un vagin (déjà que le bain était considéré comme propice aux maladies…) et plus d’une jeune accouchée en a alors subi les conséquences mortelles.
Mais non, aujourd’hui, on serait apparemment au pinacle de toutes les découvertes modernes et on nous demande de « croire » en la Science actuelle comme en une valeur absolue exempte de doute.
Alors que tous les ans, on entend parler de procès contre un laboratoire pharmaceutique, qui sont, soyons honnêtes, des entreprises comme les autres avec actionnaires et compte de résultat et qui doivent avant tout gagner de l’argent en vendant – incidemment – des médicaments… Ou on entend parler d’une découverte en physique quantique, en neurologie ou en archéologique qui va jusqu’à remettre toutes les certitudes actuelles en question.
Il n’y a pas si longtemps, en recherchant fébrilement à comprendre la différence entre psychopathes et sociopathes, j’avais lu que la science psychologique des États-Unis considérait qu’on naissait psychopathe quand on devenait sociopathe.
Et ça a alors heurté ma conscience catholique, réfractaire au concept de prédestination calviniste : car je veux croire au libre arbitre, in fine, et ce, quelle que soit la distribution des cartes à la naissance.
Depuis, on a aussi découvert l’épigénétique, c’est à dire la présence de gènes du comportement qui peuvent s’activer ou non chez la personne concernée.
Et quand je recherche des données sur la génétique actuelle de la psychopathie, je tombe sur cet intéressant fait : on vient de faire un lien entre entre cette condition et la trop grande présence de gènes altérés MAO-A. C’est à dire de gènes MAO-A qui ont muté.
Ce gène altéré se retrouve en effet très présent chez ceux qui ont subi un traumatisme étant enfant et ont développé, en réaction, des caractéristiques anti-sociales.
Ce serait donc la fin de la théorie d’une programmation inexorable à la naissance en faveur d’un développement de la psychopathie lié à une présence génétique qui doit, pour devenir dangereuse, être altérée pendant la croissance.
Toute la recherche actuelle sur la mutation ou l’activation du gène, en génétique aussi bien qu’en épigénétique, insistent alors sur l’importance de l’acquis ET de l’inné.
Car c’est l’inné qui fournit le gène MAO-A mais c’est l’acquis qui peut ou non en décider la mutation.
Je me sens pas mal confirmée ici dans mes intuitions d’avant ces recherches et aussi pas mal confortée dans ma foi.
Et j’y trouve aussi, incidemment, une réponse à la question de la professeur de ma fille : un génome favorable à la psychopathie ne peut pas être une pas une garantie de prédiction à 90%. Ton éducation pourra toujours faire la différence.
Je pense que c’est ici le bon moment pour spécifier que je ne suis pas ce qu’on appelle « un expert ».
Ceci dit, lorsqu’on voit à quel point un certain nombre d’experts se gamellent année après année en prévoyant la domination économique de la Chine ou l’écrasement immédiat de l’Ukraine face à la Russie, on se dit qu’un diplôme et même un job dans le domaine, bien que fort intéressants pour fournir les données de base, ne sont pas une garantie pour la véracité de la conclusion lorsqu’ils ne sont pas couplés avec l’intuition. Ou beaucoup d’intelligence.
Dans le domaine de la sociopathie et de ses petits frères, je suis, pour autant, un amateur très très éclairé, plongé dans la marmite dès qu’elle était petite et qui a, salement motivée pour survivre au bouillon, et comprendre ce qui s’y passait, analysé tout ce qu’elle a pu, personnes, écrits, recherches, vidéos de psychopathes auto-déclarés… pour comprendre comment ça marchait.
Et ce, depuis plus de trente ans.
Et mes conclusions, liées aussi à pas mal d’intuition, qui ne m’a jamais fait défaut, sont les suivantes…
On devient en effet un sociopathe, en général pendant l’enfance, en fonction de ces deux critères environnementaux : soit, et ça paraît évident, parce que l’enfant est dans un environnement hostile, toxique, destructeur… Et qu’il se met en mode survie, jetant la conscience et l’empathie aux orties pour alléger l’esquif.
Soit, et ça paraît contre-intuitif au début, jusqu’à ce qu’on regarde les dégâts de l’éducation positive poussée à ses extrêmes aux USA : parce que l’enfant est au contraire beaucoup trop gâté, habitué à voir tout céder autour de lui, qu’il n’a pas appris la frustration, pense avoir tout les droits et a été élevé en astre d’un univers narcissique. La conscience vient là aussi se mettre en travers de ce que la personne croit mériter, c’est à dire tout, et le cœur ne saurait perdre son temps à exsuder la compassion pour les autres, qui ne sauraient compter que comme accessoires.
Par dessus bord, tout le bousin.
En ce qui concerne la psychopathie, je pense que c’est autre chose.
Qu’elle est grandement favorisée chez les enfants extrêmement brillants.
Déjà parce que si un gosse intelligent apprend à ses dépends qu’il peut manipuler ses parents, il va être tenté de manipuler le monde.
Mais aussi parce que je l’ai vue, encore et encore, cette tentation, chez des enfants appartenant à ce qu’on appelle communément en Espagne les 5% de « Alta Capacidad » : ce passage quand l’intelligence va croiser l’égo et qu’ils vont penser ensemble… Et si on était collé dans un être supérieur qui avait droit à tout et le devoir inné de dominer les autres ?
Et je me souviens, entre plein d’autres exemples, de cet enfant en France qui me faisait régulièrement le signe de m’égorger et dont le père, quand je l’ai confronté, m’a rétorqué : « le pauvre, il faut comprendre, il est supérieurement intelligent, on va le mettre dans une école spécialisée ».
J’espère pour le bien de cet enfant devenu grand et de tous ceux qui vont croiser son chemin, que les écoles spécialisées sont conscientes des risques.
L’intelligence pure, le QI, a énormément de désavantages et il serait bon, je pense, quand elle est très présente, d’arrêter de se contenter de la mettre aux nues et de s’employer à développer en urgence, chez ceux qui en sont titulaires, les qualités de l’intelligence émotionnelle. Aux tous premiers rangs desquelles, l’empathie : et faire réaliser à un tout petit qu’il n’est pas le centre du monde implique énormément de fermeté.
Mais un enfant extrêmement intelligent a aussi vitalement besoin de confiance en soi, de courage et de résilience, car un enfant intelligent, c’est un enfant qui doute, un enfant qui doute, c’est un enfant qui a peur et un enfant qui a peur, c’est un enfant qui va se mettre en mode survie. Et retour à la case psychopathie…
Et pour permettre à ces qualités de confiance d’exister, il y faut, je crois, beaucoup beaucoup d’amour : car si un tout petit n’est pas le centre du monde, il est en droit d’attendre au centre de celui de ses parents.
Ah, ce n’est pas facile d’être un humain, surtout en l’absence de foi, et je comprends finalement parfaitement le besoin de se raccrocher aux branches d’une Science omnipotente…