Ma fille de six ans étant à l’âge des angoisses existentielles, je me suis dit que ce serait sans doute une bonne idée de l’emmener assister à une messe, pour qu’elle constate de visu que sa mère n’était pas la seule tarée à croire que la mort n’était pas forcément une affaire aussi définitive que ce qu’on pouvait bien croire.
Un concept, il faut l’avouer, qui lui paraît à priori plus abscons et improbable que l’existence du lapin de Pâques.
Comme de surcroît c’était la semaine de Noël et que les traditions ont finalement du bon face au nihilisme de nos valeurs actuelles, je me suis dit qu’on ferait là d’une pierre deux coups. En plus, d’une pierre, il est bien connu qu’on peut bâtir une Église…
Je ne suis pas sûre que l’Église catholique, ceci dit, soit la plus à même de répondre aux sensibilités de ma fille. L’église de Davron étant remplie ras la voûte de christs en croix, ma fille m’a demandé avec logique comment il pouvait tenir dessus. Ma réponse un peu brève "avec des clous" l’a projetée tête la première sur la paille de sa chaise pour ne plus avoir à affronter ce bel exemple de créativité humaine en fait de torture.
Et sur ce coup là, je serais plutôt d’accord avec elle : j’ai eu beau ramer sur le fait que le message du Christ était avant tout un message d’amour et d’espoir de résurrection, allez convaincre une gamine qui a sous les yeux un slogan visuel pour une mort atroce. Dommage que le marketing, que je pourfends pourtant assez facilement, n’ait pas été inventé au moment du concile qui a choisi la croix comme étendard à la foi. Un symbole plus positif et plus pimpant, comme par exemple le poisson des débuts, aurait sans doute un peu plus égayé le concept. En même temps, si l’idée était de conserver les foules dans la peur et la notion du sacrifice pour mieux leur pressurer la dîme ou les envoyer au casse pipe en croisade, le choix n’était pas si mauvais…
Mais je m’égare.
Le Jules en revanche, qui en dépit d’un léger militantisme athée et de gauche, a conservé suffisamment d’ouverture d’esprit pour m’accompagner dans ce pèlerinage religieux et pédagogique, a absorbé le sermon du jour avec tous les pores de sa peau. Les oreilles n’y suffisaient plus.
En ces temps troublés de loi probable sur le mariage homosexuel d’un côté et de lutte pour le respect des valeurs traditionnelles familiales de l’autre, le discours du jour comprenait en effet un grand passage sur l’importance du père, fait à l’image de Dieu, et sur sa place absolument prépondérante dans le cadre familial.
Et j’ai donc eu droit pendant toute une grande semaine à des "Femme, dans la cuisine, c’est ta place" ou "Femme, fais la vaisselle, c’est ton rôle", le tout ponctué physiquement par de grandes claques sur les fesses. Comme quoi, pour convaincre un parpaillot de l’utilité de la religion, c’est comme pour le reste, il vaut mieux viser en dessous de la ceinture.
Et si je retente l’expérience d’emmener ma fille dans une église peut-être moins pourvue en ornements effrayants, le Jules, quant à lui, sera définitivement privé de messe.