Hier, 24 mars, c’était en Argentine le "dia de la memoria", le jour de la mémoire, commémoratif du début de la dictature et du souvenir que l’on doit légitimement à ses victimes.
Mais lorsque nous avons demandé à un garçon de café le pourquoi d’une telle fête, il s’est trompé et nous a expliqué qu’on commémorait le souvenir de la perte des Malouines.
Ah les Malouines !
Partie du monument dédié aux Malouines à Rosario.
Tellement importantes ici, qu’une telle fête serait effectivement sans nul doute la bienvenue.
Ce pourrait être enfin un moyen de crier à la face du monde que l’arrête anglaise reste bel et bien coincée dans la glotte Argentine : "no pasaran", si vous me permettez une fine allusion à l’esprit de résistance ibérique.
Par un caprice du destin, je me trouvais justement hier avec mon mec à Rosario, ville officiellement dédiée au patriotisme gaucho et donc surnommée la "cuna de la bandera", le berceau du drapeau.
Vue du monument national du drapeau à Rosario.
Autre vue du monument national du drapeau à Rosario.
Détail du monument national du drapeau à Rosario avec citation de Belgrano.
Et je vous confirme que le patriotisme ici, n’est pas à prendre au deuxième degré : ma fille assistait tous les matins dans sa maternelle au lever des couleurs et comme nous avions le bonheur d’habiter près d’une école, nous avions aussi la joie d’être réveillés tous les matins à huit heures par l’hymne au drapeau (à ne pas confondre avec l’hymne national).
J’ai mis un certain temps, à vrai dire, à comprendre le but de mon réveil matinal (en dehors du fait bien réel de me casser les bips), la gaieté du truc me rappelant plus un chant de moines cisterciens qu’un appel à la fierté nationale.
A propos d’hymne patriotique, je me souviens encore avec des frissons de la fois où je me suis retrouvée à gueuler la Marseillaise à pleins poumons face à un groupe de parents d’élèves. Je m’étais fourvoyée dans une audition pour une chorale (j’ai fait du chant lyrique mais je suis absolument pathétique en chanson contemporaine même si je chante juste) et ne m’attendais pas à devoir faire un bout d’essai au débotté. J’avais bien essayé de fuir discrètement mais les autres aspirants chanteurs m’avaient retenue par le fonds du jean.
Le pianiste ne connaissait que les airs français de la Marseillaise et de la vie en Rose et je maîtrisait quant à moi beaucoup moins bien ce classique d’Édith Piaf (ah, si seulement, il avait connu "L’hymne à l’amour !").
Je me suis donc retrouvée à gueuler "Aux armes" et à déclarer vouloir noyer mon potager dans le sang de mes ennemis face à d’innocentes oreilles sud-américaines qui ont dû sévèrement regretter avoir empêché ma fuite.
Quelques interminables minutes plus tard, ce n’est pas dans l’hémoglobine mais bien dans un petit verre d’alcool que j’ai essayé, de retour chez moi, de noyer mes infortunés mais trop tenaces souvenirs…
Mais pour revenir à Rosario, il y a donc, juste à côté du monument au drapeau, délicieuse et délicate petite chose architecturale (vous avez pu en juger plus haut), un mémorial dédié aux Malouines.
Partie du monument dédié aux Malouines à Rosario avec l’inscription : les Malouines à jamais Argentines.
Les Argentins ne plaisantent donc absolument pas sur le sujet (voir "Touche pas aux Malouines !").
Pour vous faire une idée de l’état d’esprit local sur ces îles, je pense qu’il faudrait s’imaginer celui d’un français d’avant la guerre de 14 souffrant d’une rage de dents et songeant à l’Alsace Lorraine un soir de Toussaint particulièrement pluvieux.
Et pourtant, si les Malouines s’appellent ainsi en français (las Malvinas en espagnol), c’est parce que les valeureux marins de la région de Saint-Malo, mes copains les malouins, ont été parmi les premiers colons de Bougainville à poser leurs sabots sur ces terres hostiles mais si âprement aimées des deux côtés de l’Atlantique (il y avait aussi des acadiens à ce qu’ils semble, je ne suis pas bien sûre de tout comprendre…).
L’aventure française n’a pas fait long feu puisque nous avons rapidement cédé le territoire aux espagnols de l’Amérique du Sud.
Ce n’est donc pas sans raisons que je veux prendre ici un risque avec ma vie en revendiquant les Malouines au nom de la Bretagne (vive la Bretagne libre et le salidou !).
Après tout, je déménage dans quelques jours et je peux toujours essayer de courir vite.
Edit du 8/04/2011 : en fait, j’ai appris par la suite que les Argentins ont bel et bien une journée (le 2 avril), pour ne pas oublier les Malouines. Le lendemain du 1er !