C’est pas tout ça, mais dans la mesure où j’ai déclaré sur un coup de tête que je cherchais du boulot, il faudrait quand même commencer à faire semblant.
Surtout qu’il paraîtrait qu’on rentre en France dans les trois prochains mois et que ce serait sans doute pas du luxe que je gagne de quoi mettre du beurre sur la tartine.
Je fais encore confiance à mon mari pour nous acheter la tartine…
Cliquer sur la photo pour la recette du beurre salé à la ciboulette. Miom.
J’ai donc commencé ma vie professionnelle par une prépa HEC et un malentendu.
Comme d’hab…
Mon père, un médecin qui a plutôt bien réussi financièrement (pour le reste, on peut discuter), m’avait gentiment fait remarquer que je n’aurais pas le droit à la parole avant de gagner au moins autant que lui.
Et dans la semaine qui suivait, je tombais sur une brochure pour les Écoles de Commerce. Le Destin.
On y promettait 200 000 francs dès le début de carrière et dans ma naïveté de gosse de riche (je vous dirai pas combien gagnait mon père en dépit d’un socialisme acharné à prélever sa dîme) et de rêveuse pathologique, j’ai pensé que ce serait par mois.
Ma décision était donc prise : j’allais faire Commerce et obtenir du même coup le droit d’ouvrir ma gueule.
1988 – 1989 : prépa HEC au Mans (ma ville natale)
Il faut préciser au passage que j’avais l’ambition de faire une prépa à Sainte Geneviève, mais que je me suis laissée convaincre de rester chez papa-maman en échange d’une voiture rouge toute neuve : une Uno.
Achetée pour une Fiat avec un nom de jeu cartes ! Je n’étais même pas entrée en École que je démontrais là mon absence flagrante de sens du commerce.
Tant qu’à se vendre, en effet, autant le faire pour une bagnole qui ne m’aurait pas donné l’impression de passer par dessus les rambardes des ponts au moindre coup de vent.
Vous noterez au passage que je n’ai fait qu’une seule année de prépa : j’ai tellement détesté l’ambiance de forçat et les insultes du corps professoral sensées vous forger le caractère (je me souviens avec émotion du c… harmant prof de philo qui nous classait en « anormalement nul » et « normalement nuls ») , que je me suis donnée à fond aux concours pour ne pas avoir à rester trop longtemps.
C’est l’avantage des feignants : ils savent travailler efficace pour travailler moins.
Et j’aimerais faire remarquer que si cette très belle et consciencieuse méthode pédagogique de la schlague psychologique avait vraiment les résultats escomptés, la balance du commerce extérieur Français serait sans doute un tout petit peu meilleure qu’elle ne l’est. Et qu’il est intéressant de former de futurs managers à la brimade (la phrase peut se lire dans les deux sens). Mais passons…
Le fait que je sois arrivée première aux écrits de ma modeste prépa (bizuths et carrés confondus, si, si : « la fierté de l’école » que m’a appelée le prof d’histoire) a surpris tout le monde, et ma mère la première, dans la mesure où je me suis cantonnée tranquillement dans la médiocrité et la sieste le reste de l’année. J’exagère un peu, là : pas sur la médiocrité mais sur la sieste.
Je me contentais de dormir la nuit pendant que mes petits camarades planchaient au clair de lune.
Ce qui inquiétait effectivement beaucoup ma mère.
Mais un feignant sait aussi ménager sa monture pour la cravacher dans les derniers mètres. Et un feignant sait s’appuyer intelligemment sur son intuition pour réviser dans la sélectivité. In-te-lli-gemment. Parfaitement.
Cet exploit inattendu ayant permis à ma mère de rêver me voir prétendre à HEC au deuxième tour de manège (ou de cirque), sa déception fut grande quand j’ai signé pour entrer à l’ESC Tours.
Elle me demanda alors si je voulais vraiment passer ma vie à vendre des aspirateurs. Ce à quoi j’ai répondu en substance que j’attendais impatiemment de signer chez Hoover.
"Où est le contrat ?"
Ceci dit, je ne m’étendrai pas non plus sur le système élitiste des prépas et de la facilité d’intégrer une Parisienne en préparant son concours dans le pays de la rillette, mais je tiens à noter que j’avais également calculé mes chances – quasi nulles – de parvenir à Jouy en Josas (HEC pour les non-initiés) au 2ème tour : une feignante réfléchit avant d’agir, dans l’hypothèse – toujours bienvenue – que l’action fatigante soit superflue.
1989 – 1992 : Escem (ESC Tours)
C’est l’époque où je portais des mini-jupes : il paraît que la vue en était très intéressante quand je traversais la "passerelle" dans le soleil…
Je dois préciser que je suis très fière de ce qu’est devenue mon école (et beaucoup moins sûre que l’inverse soit vrai !) :
affiliée au réseau Ecricome, un de ses symboles est un simple petit poisson rouge.
"Engagement, Intégrité, Curiosité et Humilité".
Et dans notre monde moderne de requins sans scrupules et de krachs boursiers déclenchés par des tanches, je suis définitivement du côté de bubulle.
Allez bubulle !