Cette crise terrible va passer.
Je ne peux pas parler ici des drames personnels que certains d’entre nous vont connaître. Certains d’entre nous risquent des deuils insupportables qui ne passeront pas, qui ne seront jamais oubliés.
Mais je peux parler d’une vérité collective : ça va passer.
Et si les crises sont toutes là pour nous apprendre, certaines sont là aussi pour nous sauver, en nous tapant sur la tête.
Quand je suis en colère, car même si je sais que je dois éviter de me mettre en colère, j’ai un fichu caractère, et parfois je ne contrôle plus rien et la marée noire envahit mes neurones : et il est fréquent, alors, que je me cogne. Les doigts, le crâne un bras…
Et je jure comme un charretier. Et je comprends la gifle, le signe à effet immédiat : calme-toi.
Ta colère est néfaste.
La colère mondiale montait, le ressentiment débordait depuis quelques années. C’est au nom de ce ressentiment que des gouvernements populistes, revanchards et incompétents ont été élus à travers le monde. Des dictatures fleurissent là où il y avait avant une démocratie.
Et j’en étais à craindre les conflits mondiaux.
Quand on choisit la poudre, la moindre étincelle peut faire des dégâts inattendus.
Mais ce virus a mouillé la poudre qu’on entassait depuis un certain temps.
Ce virus a stoppé tout ça.
Il a obligé chacun de nous à penser à sa propre survie, plus qu’à la haine des autres, il a mis en relief nos connections et nos solidarités, plus que nos différences.
Je n’aime pas les dictatures et je me méfie des intentions politiques des dirigeants, surtout celle de Poutine, visible, de démanteler l’Union Européenne mais au niveau humain, des médecins Russes et Cubains sont venus aider en Italie, des médecins Chinois en Angleterre.
Et quand le virus sera vaincu, j’espère qu’on saura se souvenir de notre humanité commune.
Cette pandémie met aussi en relief, de façon terrible, hélas, les mensonges et la réelle incompétence de batteurs de foire de certains gouvernements.
Ce virus est un révélateur. Et un catalyseur.
Il sera impossible de mentir quand chacun vivra dans sa chair, dans son commerce, dans sa vie, les effets directs et mortels de la corruption.
Il va mettre les mentalités, les qualités et les défauts de chaque pays en relief.
Il pointe du doigt les inégalités économiques plus ou moins insoutenables de chaque pays : aux États-Unis, quand les tests du Coronavirus sont inaccessibles pour presque tout le monde, y compris le personnel soignant, toutes les stars du basketball, même ceux qui ne montraient aucun symptômes, ont été rapidement testés. Et des sénateurs républicains préviennent leurs amis pour qu’ils puissent vendre leurs actions en avance, avant le crash de la Bourse.
Il va aussi révéler les forces, les faiblesses ou inexistante d’un système de santé.
Ce virus nous montre aussi à quel point notre arrogance d’humain est ridicule, à quel point nous sommes fragiles.
À quel point la planète est importante. C’est une évidence à laquelle nous sommes à présent confrontés collectivement.
Et nous enseigne au passage comment nous pourrions nous améliorer. Avons nous besoin de courir comme des fourmis ? De consommer et de produire frénétiquement ?
Les eaux de la lagune de Venise s’éclaircissent et se remplissent à nouveau de poissons. Les ciels de Chine se purifient. N’aurions nous pas envie, une fois la crise passée, qu’ils restent le plus possible ainsi ?
L’économie doit être au service d’homme et non l’inverse.
Et l’économie doit respecter la planète.
Nous devrons sans doute ralentir l’activité économique. C’est une vérité désagréable qu’aucun gouvernement, élu en général sur ses promesses de croissance, n’est capable de nous présenter.
Mais la planète nous a obligés à stopper.
Tout.
Pourquoi, alors, ne pas en tirer les leçons et ralentir ? Et souffler ? Et prendre le temps de trouver des solutions écologiques qui préservent l’avenir ?
Ne nous y trompons pas : la planète ne nous laissera bientôt plus le choix.
Elle a d’autres virus en stock coincés dans les pôles qui seront libérés si nous faisons le mauvais choix. Des virus qui feront passer celui-ci pour une simple répétition générale amicale.
Et les antibiotiques, qu’on a déjà beaucoup trop ingéré par le biais de la viande et au nom, encore une fois d’une maximisation inhumaine des profits, les antibiotiques ne nous sauveront pas toujours.
La mise en quarantaine est aussi à l’échelle de l’individu, une façon d’apprendre sur nous-mêmes.
Je suis infiniment privilégiée de la vivre, cette quarantaine, dans une jolie maison avec vue sur la Sierra de Madrid.
Et pourtant, en début de quarantaine, je me suis sentie m’effondrer. Je ne supporte pas bien le fait d’être privée de liberté ni cette sensation d’enfermement.
Et j’ai dû réapprendre à m’adapter à une nouvelle réalité, à sortir mon appareil photos et à me tapir à mon balcon dans un safari imaginaire qui m’a permis de savourer chaque moment et chaque nuage.
Mais on peut apprendre aussi sur les autres, sur nos proches,
Les personnes négatives sont très nombreuses, un bon tiers de chaque population en pays démocratique.
Et je pense à tous ceux qui vont se retrouver enfermés avec une personne toxique dans un espace clôt.
Parfois au risque de leur santé ou de leur vie. J’espère que pour certains, ce sera une prise de conscience et pour d’autres une motivation, quand tout cela sera fini, pour sortir de cet enfer qu’il ne supportaient que parce qu’ils avaient un ailleurs où ils pouvaient se réfugier.
Un temps de crise est un temps de réalité, quand les masques tombent.
Un de mes voisins qui toussait à s’en secouer les bronches depuis début mars est parti en camping-car et en famille.
Certains se battent pour du papier toilette. D’autres stockent du matériel médical en espérant le revendre.
Beaucoup agressent, sur Twitter et dans la rue, les personnes qu’ils voient dehors sans même se demander s’ils ont des raisons valables. Les mêmes, ou d’autres, vont sortir leur chien dix fois par jour.
Une infirmière rentre chez elle après une garde douloureuse où elle a soigné des personnes au risque de sa sécurité, pour tomber, dans sa boîte aux lettres, sur un mot la priant de bien vouloir ne plus rien toucher dans les parties communes. Et si possible, de déménager.
Ce virus est un révélateur sur le courage, aussi.
De tous ceux qui prennent des risques pour sauver et nourrir leur prochain. Et j’espère que lorsqu’il sera vaincu, on gardera en tête que les vrais héros, ce sont les personnes que l’on croise tous les jours : un parent qui saura s’occuper de la scolarité de ses enfants à domicile, en cachant l’angoisse qui lui serre le cœur, un salarié qui se bat pour que son entreprise ne licencie pas son équipe, un livreur qui prend le temps de jeter un mot par dessus la porte de la cour pour savoir si on va bien, un vendeur de supermarché qui vient travailler en dépit des risques et bien sûr, le personnel médical.
C’est cette humanité du quotidien que, je l’espère, nous saurons continuer d’apprécier quand la crise sera passée.
Quand jusque-là, nous étions plus intéressés à aduler les célébrités, les influenceurs et les puissants, une superficialité narcissique qui a fait le bonheur de tant de personnes négatives.
Cette crise terrible va passer.
Et au bout de ce tunnel, on sera heureux de pouvoir enfin se retrouver, mon fils sera enfin content d’aller à l’école, on pourra prendre un café en terrasse, je pourrai me promener dans les collines que je photographie sans avoir un chien …
Mais j’espère que nous ne sauterons pas, comme si rien n’était arrivé, dans nos vies d’avant.
J’espère que cette crise va marquer nos consciences et que nous pourrons, collectivement, répondre à cette question :