J’ai tendance à nous comparer, nous les humains, à un parfum.
Je trouve ça plus joli que de dire que nous portons des masques. Car nous en portons, tous, des masques, évidemment : personne ne songerait en société à sortir avec sa vérité toute nue, pas plus qu’il ne s’aviserait à sortir sans vêtements.
On imagine sinon, dans l’un ou l’autre cas, le tollé dans les anniversaires d’enfants… Car comme dit mon cher et tendre : « on a tous nos casseroles ». Ou comme le dit plus gentiment mon Maître en Reiki : « on est tous venus sur Terre pour apprendre ».
Mais plutôt que de parler de masque, image qui traîne derrière elle la grande époque de Venise, celle ou l’on pouvait tranquillement lâcher ses bas instincts derrière l’anonymat d’un bec d’oiseau funèbre, je préfère parler de parfum.
Note de tête, note de cœur et note de fond.
Note de tête, note de cœur et note d’âme.
Ma note de tête à moi, exhale définitivement un relent d’éducation bourgeoise. « La première des politesses, c’est le sourire » me disait ma môman à moi.
Et plus je m’ennuie en société, et cela m’arrive, osons l’avouer, plus mon sourire de Joconde, commodément énigmatique, poli et facile à tenir sur la durée sans trop fatiguer le muscle maxillaire, devient obstinément fixé. Toute la technique d’un entraînement de haut niveau est de savoir le garder détendu pour qu’il ne vire pas au rictus. Sachons ne pas effrayer…
Dans le même objectif, j’y ajoute en binôme un regard ouvert et bienveillant au cas fortuit ou une bonne âme aurait dans l’idée de venir me jeter la bouée de sa conversation.
Car je suis, hélas, plutôt timide et j’ai du mal à me jeter directement dans le grand bain à l’assaut d’un groupe déjà en plein débat animé. Mon Cher et Tendre, lui, profite sans barguigner de son mètre quatre vingt dix et de son absence de vergogne cultivée sur plusieurs générations pour pousser son prochain de l’épaule et s’insérer vocalement. Et il est invariablement le bienvenu, c’est un don.
Alors que ma note de tête à moi est absolument bien élevée. Polie, lisse et bien cachée.
Pour autant, ma note de cœur donne définitivement dans le comique ascendant clown. Et le plus dur pour moi est justement de savoir doser mon sens de l’humour en société. Surtout au milieu d’une assemblée de français.
Combien de fois ai-je laissé filtrer mon esprit caustique ou fait une remarque cynique et ai-je vu le regard de la personne à côté de moi se troubler avec ce doute latent que je lisais subitement dans sa rétine à présent légèrement affolée et très clairement dilatée : « est-ce qu’elle ne serait pas en train de se foutre de ma gueule ? ».
Corolaire : « ne se fout-elle pas ainsi de tout le monde et de moi en particulier ? ».
Non, je te rassure ici, cher lecteur, je me moque en général et avant tout de moi même ou de la situation. C’est aussi ce qui m’aide le plus à prendre de la distance ou à m’amuser pendant les moments difficiles.
Je faisais ainsi le pitre pendant mon premier accouchement, une césarienne. Qu’avaient-ils mis dans la péridurale ?
Je chantais tant et si bien, en m’adressant entre deux couplets au gynécologue, que l’infirmière responsable, une représentante du corps médical habituée à plus de dignité en salle d’opération et exaspérée de surveiller un poivrot, finit par m’exhorter : « taisez-vous, sinon le docteur va vous faire une grande cicatrice ».
En France, pays de mon enfance, on ne rigole pas avec la Science. Ah, je suis tristement incomprise là où je suis née et je ne m’étonne pas, à mon retour, d’avoir eu plus de facilité à tisser des amitiés avec des anglo-saxons, irlandais, anglais ou américains. A l’exception notable de mon groupe d’écriture qui savait marier admirablement le calembour et le petit four.
Merci à toutes !
Car en France, rares sont les gens qui savent rire de tout et surtout, n’importe où.
En général, en dehors des lieux réservés à cet usage, lecture, cinéma ou théâtre, mon expérience personnelle a prouvé qu’ un français se méfie de l’humour inopiné.
Qu’il soit ici rassuré. Car ma note de fond, celle de mon âme, est profondément spirituelle.
Et voilà, c’est parti pour le coming out.
Cette note de fond implique un souhait, pas toujours atteint, hélas, l’intellect est faible, mais néanmoins un espoir bien présent, de ne pas juger et d’accepter mon prochain comme il est.
Avant tout, de le comprendre.
C’est cette note-là que j’exprime dans mes livres et que je cache en général farouchement.
D’abord parce que les rares fois où cette esprit de compréhension a filtré sous les deux autres couches, je me retrouve tout soudain pendant des heures, le dépositaire d’une histoire personnelle dont mon interlocuteur avait besoin littéralement de se décharger.
Et ensuite parce qu’il m’est arrivé certaines expériences extraordinaires dont je ne cause pas volontiers. De crainte que la lueur trouble dans le regard de mon interlocuteur face à mon humour débridé ne se solidifie subitement sur cette certitude visible que je suis complètement tarée.
Les parents de Paulo Coelho l’ont fait interner, à ce que j’ai lu. Et je n’en suis pas plus que ça étonnée.
Car compte tenu de certains propos et autres attitudes des miens, je me demande parfois à postériori ce qui les a retenus d’envisager des mesures plus clairement capitonnées quand mes fulgurances d’un autre monde venaient se heurter à leurs certitudes scientifico-médicales.
Je parie sur un mix puissant entre la flemme et la force du qu’en dira-t-on. Avec une touche de fatalisme sur le fait qu’ils avaient suffisamment pensé et répété depuis ma naissance que j’étais super intelligente et que trop de neurones, on le sait bien, ce n’est pas très sain pour la santé : on passe vite de l’autre côté.
Ah, mais on oublie trop rapidement, le nez sur ses grolles, que la science et la médecine ne valent que dans les limites de ce qu’elles ont découvert jusqu’à présent.
Que la science d’il n’y a pas si longtemps nous serinait que le bain était mauvais pour les humeurs, la santé et notre protection anti-microbienne soigneusement construite sur la durée par la juxtaposition de millimètres de crasse.
Qu’on ne s’y trompe pas, ceci dit ! J’aime assez la science de maintenant et une péridurale chargée en molécules qui font guili-guili. Mais je regrette parfois son amertume, à ce jour non digérée, d’avoir perdu la face contre la religion et sa volonté subséquemment acharnée à ne pas céder un pouce du pouvoir gagné sur la conscience de l’humanité.
Ainsi, élevée dans la patrie de la Raison, par deux parents fermement issus du corps médical, j’ai assez vite appris deux choses : à ne pas trop parler de mon vécu spirituel, et corollaire, à gérer un profond sentiment de solitude.
De toute façon, dans les premiers temps, à chaque fois que j’ai essayé d’alléger ce dernier en cherchant dans l’univers des bipèdes un interlocuteur qui aurait eu l’air de me ressembler, je suis assez vite tombée sur des personnages dont la note de tête était certes spirituelle mais dont la note de cœur était clairement mercantile.
Je ne me hasarderais pas ici à spéculer sur ce qui se cachait au delà de cet appétit mal dissimulé pour le pognon mais j’ai concrètement préféré par la suite apprendre à aimer la solitude, le temps d’affiner mon intuition sur mon prochain et à lire au delà des apparences.
Je me suis très souvent plantée : après tout, c’est comme ça qu’on apprend.
Tout ça pour dire que je fais ici mon coming out : je suis profondément spirituelle.
Voilà, c’est dit, cochon qui s’en dédit.
Et du coup, je ne sais pas trop vers quoi faire évoluer ce blog.
Dans la mesure où ma causticité s’exprime surtout à mesure que la situation me déplaît parce que l’humour m’aide à la supporter.
Dans la mesure où il semblerait que je suis essentiellement une plante verte et que le soleil et la sangria espagnole me reconnectent avec la partie la plus bienveillante de ma personnalité.
Toute une réflexion…