Avant d’avoir nos enfants, avec le Jules, on s’était dit que chez nous, les petits seraient élevés au sifflet et le doigt sur la couture du pantalon.
Un peu comme dans « La mélodie du bonheur », où la troupe d’enfants est soumise à la bienveillante mais néanmoins ferme autorité du commandant Von Truc.
Et puis, enceinte, chargée ras la gueule d’hormones et de bonnes intentions (la nature est bien faite dans le sens de la reproduction), j’ai lu un des livres de madame Filliozat : « Au cœur des émotions de l’enfant ».
J’aime beaucoup la mer. Et l’avantage…
Parce que oui, comme d’habitude, j’ai cherché une méthode qui pouvait se diviser en chapitres et quand j’ai vu ce gros cœur en couverture, j’ai senti que c’était la bonne.
Ce qui s’est confirmé à la lecture : quand on sort son kleenex toutes les deux lignes en pensant avec émotion que oui, on aurait bien aimé être élevée comme ça, on se dit forcément que le conseil mérite d’être suivi.
Ce livre de madame Filliozat a donc changé in-extremis nos vues sur l’éducation. Nos enfants seraient bien élevés comme dans « La mélodie du bonheur », mais version « après l’arrivée de Julie Andrews » : dans la compréhension et en chanson.
Pour ce qui est de la chanson, je crois qu’on tient le pari, dans la mesure où avec ma fille, chez nous, c’est la comédie musicale permanente, un peu comme dans « Les parapluies de Cherbourt », et qu’on prierait presque pour que ça s’arrête.
Mais pour ce qui est de la compréhension, sans les giclées d’œstrogènes, le passage de la théorie à la pratique est un tantinet plus compliqué.
… c’est que quand mes enfants m’ont trop pris la tête…
Parce qu’effectivement je crois parler pour une majorité d’entre nous quand je dis que quand on était petit, on a rarement eu l’occasion d’exprimer nos émotions et notre colère : la rare fois où ma sœur a dit à notre père qu’il était un con, elle avait quand même déjà dix huit ans et elle a sévèrement amélioré du même coup le record mondial du cent mètres, départ arrêté.
Conséquence inévitable, à l’âge adulte, on a encore pour la plupart deux ou trois trucs sur le cœur (celui de la couverture du livre). Et pour certains des mollets en acier.
Et on devrait sans doute d’autant plus être à même de comprendre les émotions de nos chérubins, qui, en nos temps modernes où leur déversement se fait jusqu’à la télévision, donnent rarement dans le réprimé. Inconscient collectif oblige.
Le vrai défi est donc bien d’être capable de se prendre dans la gueule le torrent des émotions de nos gosses, tout en sachant gérer les nôtres.
Celles en réponse à la situation présente, aussi bien que celles d’un passé plus ou moins bien expurgé.
Bref, il faudrait qu’on soit Gandhi.
Sauf que Gandhi, pas si con, il n’a jamais eu d’enfants.
… je prends des photos de mouettes : la mouette, c’est zen.