S’il y a un mot qui devrait exister dans notre lexique français, c’est bien celui-ci, qui existe en langage anglo-saxon : « the mob ».
Un terme qui décrit une foule, mais une foule déchaînée par ses pires instincts, capable de déchiqueter un être humain avec ses dents et ses griffes.
Et oui, ami Républicain, la Révolution, ce fut aussi cela…
Le mot qui se rapprocherait le plus de mob, est celui de plèbe.
Après tout, la plèbe, à Rome, c’était cette masse populaire et potentiellement dangereuse qu’il fallait apaiser à coups de jeux et de pain.
Bien sûr, la revendication et la manifestations sont nécessaires lorsqu’il y a injustice ou abus de pouvoir. Mais, bizarrement, elles semblent, ces manifestations, ces derniers temps, d’autant plus interdites et réprimées qu’il y a réellement injustice et abus de pouvoir.
Cet aparté nécessaire à qui a épousé un homme de gauche étant fait…
La plèbe, en traduction de « mob », serait donc cette masse indistincte de personnes qui devient violente quand elle est devenue trop fournie en sociopathes ou lorsqu’elle est dirigée par des leaders mal-intentionnés.
Comme, par définition, la plèbe n’est pas une élite pourvue en biens, son énergie sociopathique ne sera pas l’envie de plus de pouvoir ou d’argent mais la rage de ne pas en être pourvue, et la jalousie vis à vis de ceux qui paraissent plus heureux, le tout assorti d’une absence totale de prise de responsabilité.
L’autre a trop parce qu’il a été honteusement favorisé.
Le sociopathe n’a pas assez réussi parce que le monde est injuste.
Bien sûr, ami lecteur, je sais que le système est imparfait et favorise ceux qui sont mieux nés. Mais je me concentre là sur la sociopathie chez les moins fortunés, après avoir énormément parlé de celle qui gangrène les riches.
Et un sociopathe, plutôt que ce se concentrer sur ce qu’il a, de bâtir à partir de ces bases, d’essayer d’améliorer son ordinaire, à défaut, celui de ses enfants…
Va concentrer toute son énergie sur sa rancœur.
C’est, de fait, un fait socialement étudié que les sociopathes des classes les plus populaires de nos sociétés et nos « élites » ont une affinité et une communauté d’intérêts qui revient à un principe simple : baiser la classe moyenne.
Car pour une personne de classe sociale populaire, un millionnaire est un peu comme un dieu mineur, une entité lointaine de pouvoir, un être inatteignable qui peut dispenser emplois et largesses. Mais la personne de classe moyenne, c’est juste un autre soi mais en plus riche. C’est une personne qu’on peut envier. Donc une cible.
À contrario, les plus démunis d’entre nous, les immigrés, sont aussi une source permanente de griefs pour les sociopathes de classes moyennes et populaires : le peu qu’ils ont, il l’auraient obtenu aux dépends de tout le monde….
Mais revenons à cette alliance naturelle entre plèbe et patriciens. Entre brebis galeuses et loups déguisés en bergers…
Les millionnaires et les milliardaires n’aiment pas non plus la classe moyenne : ils sont plus éduqués, ils votent en faisant attention, ils demandent des vrais salaires, ils ne sont pas interchangeables, ils éduquent les enfants, soignent les maux… Leur contre-pouvoir est dérangeant.
Que faire alors ?
Les milliardaires vont harnacher le pouvoir de la plèbe contre les classes moyennes.
Pour un politicien, c’est la voie du populisme.
Pour un riche capitaliste, il est question de manipuler l’opinion via médias et associations.
Un exemple en particulier, celui du tourisme…
L’année dernière, j’ai été un peu estomaquée par l’avalanche d’articles sur le sur-tourisme.
Et ce qui m’a étonnée, au delà du consensus général repris à peu près identiquement partout, que ce soit dans les médias anglo-saxons, français ou espagnols, c’était la juxtaposition, sur le sujet, de la ville de Málaga, à côté de Barcelone ou des Canaries.
Car si je ne doutais pas une seule seconde des vrais problèmes qu’affrontaient les locaux des Canaries, ou du besoin atavique de revendication des Barcelonais, cette fois à coups de pistolets à eau, après leur multiples tentatives malheureuses d’indépendances, je ne voyais pas bien ce que Málaga venait faire dans cette galère.
Et je suis bien placée pour le savoir, j’y habite.
Encore et encore, les endroits menacés par le sur-tourisme étaient cités comme étant Barcelone, les Canaries et Málaga.
Pourtant, là où il y avait de vraies images ou films de protestataires dans les deux premiers endroits, je n’ai vu relayer pour ma ville qu’une seule manifestation de cinquante péquins réunis par dix associations avec la pose de quelques autocollants sur certains murs. Dont la création était apparemment due au « talent » d’un seul restaurateur gagnant sa vie grâce au tourisme mais venant de voir son loyer augmenter.
La réalité sur le terrain était donc qu’il n’y avait presque pas de manifestations contre le tourisme à Málaga… Et pour cause !
Il y a seulement dix ans, Málaga n’était sur les radars touristiques que pour son aéroport, étape nécessaire avant d’aller s’égayer dans le reste de la province.
Depuis, à coups de rénovations et de rues piétonnes, notre bien-aimé maire a transformé la cité et oui, la manne touristique a fini par tomber aussi de ce côté, ce qui a donné encore plus de moyens pour accélérer la transformation.
J’imagine que cela faisait partie du plan.
Pour autant, ainsi que le Président de l’association AVVAPro, lassé d’une campagne de dénigrement qui n’a aucun sens, vient de le dire dans cet article espagnol : Málaga n’est pas Venise.
C’est une immense ville dynamique qui s’étale entre mer et montagnes où seuls quelques quartiers sont réellement parcourus par les voyageurs étrangers, joyeusement appelés guiri dans ces contrées : le centre historique et les plages.
Les touristes espagnols qui semblent, à priori, si j’en crois les rares tags sur le sujet, moins irriter que les autres, sont aussi les plus nombreux aux moments des fêtes locales, Noël, Semaine Sainte et Feria.
Mais leur impact, s’il est un peu moins limité géographiquement, est extrêmement encadré dans le temps. Et je doute que ces attaques de braves gens face aux fléaux du tourismes voulaient toucher à ces traditions centenaires, qui sont pourtant, et de très très loin, les plus généreuses en foules. Des foules tellement compactes qu’il devient difficile d’y respirer sans haleter.
C’est d’autant plus ridicule de parler de sur-tourisme lorsqu’il s’agit d’endroits, comme le fait remarquer cet expert, qui ont littéralement été construits autour, des stations balnéaires ou de ski.
Et, si ça n’a pas été initialement le cas pour Málaga, on peut imaginer que le maire avait bien quelque idées derrière la tête quand il a embourgeoisé sa cité…
Pourquoi alors cet acharnement local ?
J’ai commencé à me poser la question d’un intérêt caché: les médias, on le voit de plus en plus, appartiennent à d’autres intérêts que celui de nous informer. Et bon nombre d’associations ont, de la même façon, d’autres objectifs que celui d’améliorer la société.
Il faut comprendre déjà que qui évoque le tourisme de masse parle forcément de tourisme populaire.
Il y a seulement cinquante ans, seuls les plus riches avaient le temps et l’argent pour voyager.
Et il était alors beaucoup plus agréable, c’est l’évidence même, de fouler les sables égyptiens autour des pyramides ou les neiges immaculées de l’Himalaya entre gens du même monde et de la même éducation, sans tous ces ploucs mal lavés.
Lorsque la ville de La Rochelle interdit la location de bateaux au vulgaire, j’y lis le même genre de snobisme : les membres du club trouvaient apparemment que leurs installations sanitaires étaient malmenées par les gueux. La foule, je n’en disconviens pas, a cet effet sur le matériel.
Peut-être aurait-il suffi d’augmenter les frais d’entretien.
Mais non, c’est sans doute beaucoup plus simple – simple conjecture de non-initié -, pour un membre du Rotary ou d’une loge maçonnique, de glisser quelques mots dans une oreille utile.
Le sur-tourisme est donc, par essence, un tourisme populaire.
Et il faut dire qu’il était infiniment plus coûteux de voyager en famille quand il fallait compter une chambre d’hôtel par binôme et des sorties au restaurant à chaque repas : la location d’appartements pour des courtes durées, via Airbnb, a complètement révolutionné la donne..
Et c’est justement contre ces appartements, en particulier, que le bon peuple en a.
Oh hasard ! Oh coincidence !
Alors oui, des quotas mesurés pour chaque quartier avant de donner une licence touristique, auraient semblé être une solution avisée qui auraient permis de gérer le problème avant même qu’il ne se présente.
À la place de quoi, en Espagne, depuis quelque temps, les mesures pour stopper cette possibilité, après l’avoir implicitement encouragée, ont plu comme à Gravelotte : le maire de Malaga a rétrospectivement annulé plusieurs milliers de licences touristiques d’appartements, il a fallu s’inscrire en masse sur un site pour une licence nationale sous peine d’être retiré des sites de réservations en ligne, les enregistrements de voyageurs sont devenus contraignants, il faut une entrée séparée à son appartement touristique, maintenant l’accord des voisins…
Tout est fait pour s’attaquer à la location d’appartements par des amateurs.
Justice a été faite, pense le bon peuple !
Sauf que…
Sauf que pendant que des appartements achetés par des personnes d’une classe sociale à peine supérieure à ceux qui se plaignent sont remis de force sur le marché (ou pas…), et que les touristes des classes sociales non désirées sont priées d’aller voir au Portugal ou en Italie, des fonds d’investissement achètent les biens immobiliers par immeubles entiers – des « fonds vautours » pour reprendre les termes de cette dame – les hôtels plus bardés d’étoiles qu’un général Chilien sont déjà programmés et tout indique au contraire une marche accélérée, à Malaga, vers un tourisme de luxe.
Et si c’est le cas, comme à Marbella, restaurants et commerces vont suivre le pas.
La ville sera alors, hélas, définitivement hors de portée pour tous ces braves gens qui se sont époumonés.
Même pour un café.
Surtout s’ils dépendaient du tourisme accessible… Car oui, c’est une spécialité sociopathique que de scier la branche sur laquelle on a posé son séant malveillant.
« Les critiques contre le sur-tourisme proviennent d’une petite minorité. Mais elles ont causé d’énormes dégâts» dit cet homme dans l’article que j’ai lié juste au dessus.
Et oui, cher monsieur, c’est le propre de la plèbe, que de crier plus fort que tout le monde ! Et il aurait fallu ne pas être passif, à ces moments-là du passé, je ne sais pas, par exemple contre-manifester ? avec des pancartes « guiri, te quiero! » ?
Maintenant, mon petit doigt me dit que c’est trop tard, que la boule de neige a fourni son avalanche, et que s’il venait, cette fois, l’idée à cette plèbe du sur-tourisme ou à une autre, de se plaindre, les médias auraient l’oreille moins collée au bitume pour le relater.
Au moins, et c’est peut-être le plus important, les braves gens entraînés ou non par le mouvement pourront se consoler avec le fait que leur ville sera presque aussi sûrement fermée pour ceux qui gagnaient le petit plus qui rendait le voyage accessible.
Dans tous les cas, il leur faudra s’en contenter.