le narcissisme des réseaux sociaux

Quand Facebook est apparu, je me souviens encore de ses petites publicités musicales, colorées et sautillantes qui vous expliquaient à quel point le monde allait devenir merveilleux : vous alliez garder le contact avec votre famille et vos amis actuels mais surtout vous alliez avoir la possibilité de connaître des millions de gens à travers le monde.
« Imagine all the people! »…

Mais en fait, quand j’ai débarqué sur Facebook, un peu forcée par mon cher et tendre qui voyait là une obligation sociale pour une entrepreneuse en série, j’ai vite ôté mes lunettes roses.
Parce que les plus acharnés à mettre « du contenu » en ligne, et ceux qui en étaient récompensés par le dieu algorithme, étaient les plus narcissiques d’entre nous : ceux qui vivaient déjà comme si une caméra était en permanence en train de zoomer sur eux, ceux qui nous gavaient à coup de petits films sur leur vie parfaite ou de fêtes pour mettre leur couple en scène et qui, jadis, étaient ceux dont on fuyait les soirées diapositives.
En bref, des narcissiques.

Et oui, je le confesse volontiers, nous envoyons ici, à nos proches, un petit film de vœu à chaque nouvel an, comme un rappel personnel des bons moments en famille et une façon de donner de nos nouvelles. Mais je mets la limite lorsqu’il s’agit de le rendre public ou de me fatiguer à en faire un tous les 15 jours.
Parce que, à ce rythme, les quelques photos ou le petit film deviennent un documentaire permanent qui change complètement l’attitude et l’emploi du temps, en les soumettent à une production cinématique interminable.

Et le gentil projet de Mark Zuckerberg souhaite, finalement, nous enchaîner collectivement au devoir de nous mettre en scène et crée au passage des générations d’enfants mannequins ou acteurs qui auront, plus que d’autres, à affronter le risque de devenir à leur tour narcissiques.
Après tout, on le sait depuis le début, sur Facebook, le produit, c’est nous.

Et c’est alors un peu trop tard qu’on se souvient de l’adage des débuts de Facebook : « Go fast and break things ».
Aller vite et casser : sa vie privée, son emploi du temps,…

Mais Facebook, ou Instagram ne sont pas à mon avis les plus dangereux des réseaux sociaux : en tant que réseaux de photos, ils se « contentent » de booster le narcissisme.
Et de le rendre central dans la vie de chacun et de la société.
Peu de choses, en comparaison avec la sociopathie qu’on retrouve sur les réseaux sociaux de textes.

« La plume est plus puissante que l’épée » a t-on coutume de dire, et les forums comme X (ex Twitter) en sont la parfaite illustration.
Car sur ces réseaux, le mot est trop souvent agressif, vengeur et destructeur.

Avant notre mise en réseau collective, nous avions bien sûr nos méchants.
Mais il ne leur était pas si facile de se retrouver.
Et leurs mouvements de foule dépendait d’un leader charismatique, ou d’un hypnotiseur qui se sentait des velléités de pouvoir politique. Ou religieux.
Une telle fièvre collective était plus facile à repérer : le mal était en général circonscrit à un pays et à une durée.

Maintenant, chaque enfoiré peut se faire entendre en ligne, et ce, d’autant plus que l’algorithme – toujours lui !-, favorise la dissension et la polémique : il pourra alors, en s’exprimant sur une plateforme mondiale, retrouver plus facilement des petits camarades de jeu dont la toxicité partage les mêmes nuances.
Car sur ces réseaux sociaux, pour qui ne craint pas l’ulcère d’estomac, il y en a pour tous les goûts.

Et nous n’avons plus alors affaire à un immense feu de forêt sur lequel une troupe motivée de pompiers peut se concentrer… Mais à des milliers et des milliers d’incendies entretenus par des centaines et des centaines de pyromanes.
Et les pompiers ne savent plus où donner de la tête.

Comme d’habitude, ce bon vieux sociopathe va utiliser un état de victime, réel ou imaginaire, pour se donner le droit absolu de taper sur un bourreau, fictif ou non.
Le bon vieux truc du harceleur qui porte des lunettes.

Aussi, et c’est bien connu du manipulateur de base, quand une personne ou un pays représente le Bien, il peut faire tout le mal qu’il veut en Son nom.
Il peut déjà commencer par imposer son point de vue et censurer tout avis contraire.
Il peut aller jusqu’à « canceler » – anéantir la vie de quelqu’un -, tout en proclamant haut et fort que c’est pour le bien de la société en général et de la brebis égarée en particulier.
Car on attend bien sûr de cette brebis qu’elle rampe à présent dans la boue du repentant, avant d’évaluer si on la juge digne de rejoindre le troupeau.

Torquemada aussi, lorsqu’il torturait les corps, prétendait le faire pour le bien supérieur de l’âme.
Et nous avons actuellement, grâce aux réseaux sociaux, des milliers de Torquemadas qui prétendent nous humilier, nous censurer ou nous ruiner pour le bien ultime de la société.

Au niveau individuel, c’est un régal de sociopathe que d’imposer ainsi son pouvoir au reste du monde tout en se présentant en victime.
Et en prenant des poses de supériorité morale et des airs chattemites.

Au niveau des entreprises de réseaux sociaux, c’est immensément lucratif que d’y avoir transféré toute forme de débat. Et de l’encourager incendiaire.

Et au niveau de nos chers dirigeants, en majorité psychopathes ?
On revient là à ce cher Machiavel et à sa devise « diviser pour mieux régner ».

Parce que pendant qu’on se fout sur la gueule entre Gros-boutistes et Petit-boutistes, entre gauche et droite, sexes ou religions… On en vient à oublier qu’en réalité, en tant qu’humains, on a tous grosso modo les mêmes intérêts.
Et que face aux multiples façons qu’ont nos dirigeants actuels de nous entuber, on pourrait bien finir par le réaliser.

Car si « l’élite » a le pouvoir de l’argent et de la politique, nous avons celui du nombre.
Mais tant qu’on est ainsi occupé à s’entre-déchirer, on n’est pas prêt de s’en souvenir…

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