Ce qui m’étonne toujours, c’est que la plupart des gens n’a qu’une lecture étriquée de l’Histoire. : je veux parler ici tout particulièrement des périodes de guerre, de génocide, d’invasion… de tous ces moments tragiques qui ont émaillé notre passé commun.
Un peu à l’image de ce professeur espagnol de ma fille, qui, encore choqué deux cents ans après l’invasion de Napoléon, a déclaré en classe : « les français sont à la source de tout mal ».
Car ce que retiennent la plupart des gens c’est : le pays A a commis une guerre contre le pays B et il faut bien surveiller A parce qu’on ne sait jamais, il pourrait recommencer.
Ou le pays C a commis un génocide contre les D et il y a pris goût.
Ou encore la religion E a martyrisé les F… donc c’est intrinsèquement une mauvaise religion dont il faut tout jeter.
Et encore et toujours…
En réalité, le mal ne se réduit pas à un pays, à une époque ou à une institution.
Car il est opportuniste.
Ou plutôt, les multiples sociopathes et psychopathes qui en composent la vague de fond le sont.
Ils vont aller là où il y a le pouvoir, là où le chemin semble être dégagé. Là où les rancœurs d’un pays sont inflammables.
Là aussi, ou un passé de victime donne un blanc-seing implicite pour être le prochain bourreau. Plus une soif de revanche.
Au delà de la culture, rien ne différencie la nature profonde d’un allemand de celle d’un belge. Et rien ne garantit qu’un autre pays, écrasé par une défaite humiliante et une économie en miettes ne se tournerait pas vers une autre version du nazisme, en cherchant, au passage, des boucs émissaires pour son malheur.
On a déjà vu des trucs qui y ressemblent sans, pour le moment, avoir réussi à complètement transformer l’essai.
Mais on peut d’ores et déjà être sûr qu’il y en aura d’autres.
Et donc, pendant que la majorité des gens, qui n’ont gardé qu’une vision simple de l’Histoire vont surveiller la militarisation du Japon ou se méfier de l’Église catholique…
Ils vont être complètement aveugles au fait que le totalitarisme peut se révéler dans des endroits complètement différents. Souvent diamétralement opposés.
Il faut dire aussi que les personnes trop gentilles, celles que j’appelle les « naïfs empathes », veulent croire que ces sursauts du mal dans notre passé ne sont que des aberrations. Contraires à notre civilisation actuelle et à notre commune humanité.
Et qu’en refusant d’admettre la réalité du mal, ils s’en font bien trop souvent les complices, avant de s’étonner unanimement et en toute bonne foi, après les dégâts, qu’ils n’ont rien vu venir…
Car le pouvoir d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui et, pour reprendre l’exemple de l’Église catholique, lorsqu’elle a perdu l’absolu de son pouvoir, il est passé à l’une de ses victimes d’hier, la Science, qui bénéficie aujourd’hui de l’aura que la religion avait hier et qui va fatalement attirer les mauvaises personnes qui vont vouloir en abuser.
Le mal est comme cette onde polymorphe, qui bouge, qui cherche et qui s’étend dès qu’on lui laisse de l’espace.
Et le professeur de ma fille devrait se détendre : si un mal menace l’Espagne, je doute qu’il s’agisse de l’invasion de hordes françaises qui se jetteraient tout soudain par dessus les Pyrénées.
En tout cas, pas avant longtemps.