Moi aussi, j’écris du porno.

Finalement, j’ai décidé de commencer mon futur best-seller par la troisième phrase, celle qui dit « It was by far the very best fuck she ever had. Ever », celle qui va me permettre d’aller droit à l’essentiel dès les premières pages, c’est à dire : droit au cul.

À vrai dire, l’essentiel dans notre monde moderne qui apprécie des valeurs sans chichi, serait plutôt bipolaire : il n’y a pas que le cul dans la vie, ne nous y trompons pas, il y a aussi le pognon. En plus, certaines fois que je ne nommerai pas, mon dernier permet d’acheter mon premier.
Et parfois, mon premier permet d’obtenir mon second.
Ce monde est décidément bien fait.

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Je viens justement de faire des sketchs à ma fille sur ces deux sujets.
Oui, parce que quand je lui raconte la Vie et l’Histoire, je prends des voix, et je ne dois pas m’en tirer trop mal puisque la dernière fois, je l’ai fait pleurer quand Dieu a viré Ève du paradis. Ou alors c’est qu’elle est très émotive, c’est au choix, mais sans me vanter, je fais plutôt bien la grosse voix.
Et donc, quand ma fille a commencé à me dire un truc faux et à insister que c’était forcément vrai parce qu’elle l’avait vu dans un jeu vidéo, je me suis sentie obligée de lui expliquer un peu comment marche le monde.
Comme je lui avais déjà parlé de la pomme avec Ève, cette fois je lui ai causé gros sous, positionnement marketing sur le marché juteux du segment de l’enfance, séparation des tâches créatives et commerciales, artistes harassés par leur charge de travail et leur famille…. pour conclure : est ce que tu préfères tout gober sans réfléchir ou utiliser ce que Dieu, – celui qui n’aime pas qu’on mange n’importe quel fruit -, t’a mis entre les deux oreilles ?
À mon ton et à mes imitations de bêlement de mouton, elle a judicieusement deviné quelle était la réponse qui ferait plaisir à sa mère.

Mais je m’éloigne, comme d’habitude, de mon propos, qui aujourd’hui est le porno.
Parce que oui, je me suis mise à écrire un livre avec l’espoir insensé de le finir.
Pour ce faire, j’applique la méthode américaine telle que je l’ai lue : c’est pas grave si t’écris de la daube, écris, tu pourras toujours corriger plus tard.
En attendant, je patauge à chercher mon style, quelque part entre l’humour et le lyrisme, le romantisme et le cynisme. Et si j’imagine que je vais réussir un jour à mixer tout ces « isme » dans un bel ensemble cohérent, pour le moment, c’est un patchwork de morceaux de narrations qui s’entrechoquent.
En un mot, le bordel.

On pourrait presque dire sans exagérer que je ne suis pas hyper fan de ce que je couche sur la page blanche de mon écran.
Et quand j’écris une scène de cul, ça donne à peu près ceci (scène inventée ici, je ne suis pas masochiste au point de vous livrer la vraie qui est en cours) :

L’homme à la démarche féline avança vers sa compagne d’une démarche virilement assurée.
C’est mauvais et il y a une répétition.
D’un geste sec mais néanmoins décidé, il lui arracha les boutons de sa fine chemise de soie avec les dents.
Mon Dieu que c’est mauvais ! On marine tellement dans le cliché que ça me donne envie de manger.
– « Ah, bêla Cassandra, interloquée et séduite mais interloquée quand même…
C’est de plus en plus nul, je vais faire une pause inspiration : c’est parti pour une sieste.
… pourquoi tant de hâte, l’aube est encore lointaaaaaine et la nuit est tellement beeeeeeeeeeeeelle ?
C’est nul, c’est trop nul, quand j’ai fini ce truc, je l’imprime et je le mange sans passer par la case marinade.
– tes seins sont comme des pommes avant l’invention du paradis et te posséder enfin vaut bien tous les jeux vidéos. Je t’aime Prisc… Cassandra. Presque autant que le pognon.»

C’est donc dans cette belle ambiance de respect de soi, de contentement et de joie que je commence l’écriture…
Qui pour moi, pour l’instant, rime quelque peu avec torture.

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