Une fois n’étant pas coutume, je vais aujourd’hui me sortir la tête de ma campagne et de mes prises de tête familiales pour aborder un sujet qui nous touche tous de plus ou moins près : le diplôme et ce qu’on en fait au travail.
Une amie vient en effet de m’envoyer les références d’un livre écrit par Jean-Pierre Percy, qui s’appelle « Au secours, nos managers sont mauvais ! » et qui, si j’en crois son synopsis, explique entre autres à quel point notre façon d’évaluer un futur manager ad vitam æternam sur la base de son diplôme minerait notre management national.
Noooooooooooooooooon ?!?!
Fine allusion.
Je peux à peine y croire : un gars qui saurait plancher un devoir sur les perspectives agricoles de la Beauce ou les intégrales et aurait, ce faisant, obtenu un diplôme prestigieux, ne serait pas automatiquement susceptible de devenir un manager compétent ?
Qu’allons nous chercher là !
À toute fin de vous ôter de l’idée que je pourrais écrire sur le sujet, gonflée d’aigreur et d’ambition inassouvie, je tiens à préciser que j’ai plutôt bien mené ma barque dans le système scolaire français actuel.
Enfin, presque actuel.
Contemporain, devrais-je sans doute dire aujourd’hui, hélas.
Mais baste ! Ce système ayant la pernicieuse tendance de relier intelligence et faculté de comprendre la géométrie dans l’espace, ne m’a pas empêchée, bien au contraire, d’emprunter ce qu’on appelle facilement la voie royale (à l’époque intitulée première S et bac C) puisque j’avais la chance opportune d’être bonne en maths.
À cela, j’ose ajouter modestement que j’ai eu l’agaçante faculté de carburer en concours et autres examens sur table. Faculté que je suis bien placée pour savoir qu’elle ne reflétait pas automatiquement mon niveau annuel.
C’est aussi, accessoirement, ce qui m’a permis d’avoir mon permis de conduire du premier coup, au grand détriment de mon professeur, qui se voyait déjà, au vu de mes performances au volant (et mes exercices en code), s’établir une rente à mes dépens.
Mais pour préparer un examen, je savais plancher mes cours rapidement, faire les impasses nécessaires – généralement obligatoires puisque je m’y prenais souvent un peu tard -, m’appuyer sur une intuition sans faille pour évaluer à peu près à coup sûr les sujets futurs, évaluer les risques et les probabilités, insister sur mes matières fortes pour laisser de côté celles qui ne me rendraient rien et en tout dernier lieu faire gicler l’adrénaline au moment fatal du devoir sur table (ou du créneau fatidique en auto).
Il faut dire que j’ai tellement détesté les examens que j’étais salement motivée à ne pas les laisser s’éterniser ou se reproduire, et que je sortais en moyenne trente minutes à une heure avant l’heure fatidique qui sonnait le retour de la copie.
Ma méthode ne m’empêchait pas de stresser, – plutôt le contraire quand je me rendais compte, à l’exemple de la cigale, que j’avais un peu trop chanté tout l’été -, mais il faut croire que j’ai eu le stress positif, au contraire de ma mère qui se rongeait d’inquiétude à entendre les autres parents évoquer les nuits de veille de leur progéniture.
En ce qui me concerne, j’ai toujours donné beaucoup d’importance à mes nuits : je suis consciente de leur devoir mon teint de pêche.
Et j’ai donc intégré une École de Commerce au bout d’une année préparatoire que je considère par ailleurs comme la quintessence de l’imbécilité d’un système vous demandant d’ingurgiter des matières approchant l’inutilité dans le simple but de pouvoir vous sélectionner.
Et encore devrais-je apporter un bémol sur l’intérêt d’étudier l’histoire des Crises (de celle de 1929 à nos jours) mais il apparaît que mes coreligionnaires se dédiant aujourd’hui à une carrière dans la finance ne semblent pas aujourd’hui se souvenir des leçons de leur bachotage.
Et je pourrais sans doute également trouver à rebours un intérêt à avoir appris toute l’économie, le passé et le potentiel de la belle région Champagne Ardennes, maintenant que je suis mariée à un p’tit gars du coin. Quoi que…
À part cela, je confesse que n’utilise plus trop les mathématiques avancées au quotidien, que je dois toujours me concentrer pour passer des centilitres aux millilitres quand je fais un gâteau, et que je n’utilise plus guère l’allemand que pour empêcher mes enfants de traverser sans regarder (un « Achtung » vaut toutes les mises en garde).
Ma mère ayant eu pour moi les ambitions qu’elle n’avait pu réaliser pour elle-même, avait été ainsi fort déçue, quand la bise fut venue, de constater qu’en dépit de mes bons résultats de première année de prépa, je n’aie pas tenté le « quitte ou double» pour entrer dans ce qu’on appelait avec ce que j’imagine un vieux complexe de provincial, une « Parisienne ».
Mais outre le fait que le « double » m’aurait coûté un an de vie à ré-apprendre des conneries (oups) avec frénésie ou à débattre de sujets brûlants à l’oral tels que « les feuilles mortes », et sans parler du risque encouru à forcer sa chance, je m’étais assez vite rendue compte à mes dépens de ce qu’entrer dans une Parisienne impliquait de la préparer dans une prépa qui s’y destine effectivement.
J’avais en effet passé deux fois deux semaines dans une prépa privée du seizième arrondissement pouvant se flatter de ses quelques quatre-vingt dix pour cent de réussite au concours d’entrée aux écoles de commerce et m’étais rendue compte que ce qu’ils m’offraient à réviser, en fait, je ne l’avais tout simplement jamais abordé.
Ce simple constat m’aura évité de me faire trop d’illusions et m’aura permis de ne pas rester plus que nécessaire face à ma copie de maths de HEC quand j’ai remarqué assez rapidement que je ne savais pas même comment l’entamer.
(à suivre)