Mon mari, mon cœur à moi, mon julot, ma moitié, en bref le mec qui a commis l’erreur de m’épouser, m’a invitée hier soir à dîner dans un charmant petit resto de Poissy.
Il faut dire que dans pas longtemps, la nounou des enfants rentre en Argentine, et que c’est pas demain la veille qu’on va dégotter une baby-sitter dans notre futur charmant village des Yvelines, Davron, 303 habitants, bientôt 307.
Mais je vous entends déjà ricaner : un charmant petit resto à Poissy, est ce possible ?
Et bien, oui, il y a à Poissy un charmant petit restaurant qui vaut le voyage. A tout le moins le détour.
Et il s’appelle "La chaumière".
Je ne sais pas s’il est noté au Michelin, ou au Gault et Millau (bible familiale) mais son cadre est absolument adorable – chaises Fermob en terrasse (j’ai exactement les mêmes en vert), esprit bistrot en intérieur -, et la cuisine est impeccable.
Le tout pour un très bon rapport qualité prix : comptez 10 euros environ pour une entrée (15 pour le foie gras), entre 15 euros et 22 euros le plat et 9 euros le dessert. Formule à 15 euros environ le midi.
En soirée, vous avez droit au cadeau bonus de la petite entrée qui fait patienter (hier soir, une crème aux épices indiennes avec une chantilly) et au café, on vous apporte les mignardises. Notez le singulier du mot "café" et le pluriel dans "mignardises" : dans un louable effort d’économie ménagère, je n’avais pas commandé de breuvage digestif, et on nous a servi des mignardises pour deux. Royal. Surtout que j’aurais beaucoup regretté de ne pas manger ce mini fondant au chocolat et beurre salé. Le mélange chocolat et beurre salé a toujours eu beaucoup d’effet sur mon côté breton.
Pour en revenir au foie gras, spécialité de la maison, il est servi avec le pain d’épice de rigueur, et il est fabuleux. Sans doute un des tout meilleurs de ma vie.
Je sais, je sais, je ne suis pas originaire du Sud Ouest, je rentre d’un long exil en Argentine, et mon avis pourrait donc être sujet à caution mais je ne suis quand même pas née de la dernière oie.
Voilà donc pour le cœur (mon mari) et la chaumière (le lieu).
Mais quid des huîtres ?
En fait, il s’agit d’une seule et unique huître servie avec mon tartare de saumon. Un des tous meilleurs de ma vie également, et pourtant je suis une inconditionnelle : tout simple mais avec le juste mélange d’aromates et une petite sauce brune en bord d’assiette qui m’a fait regretter l’espace d’un instant ma trop bonne éducation. Le grosse léchouille s’imposait.
Malheureusement, il y avait donc une huître.
Et en dépit de mes parents qui s’en empapaoutaient par bourriches à la moindre occasion (je vous parle d’avant la pollution et du boycott absolu et sans rémission de mon papa médecin ayant viré parano à l’égard du mollusque), je n’ai jamais aimé çà.
Et même, pour être franche, je n’ai jamais goûté ça. La seule idée de me glouglouter ce truc visqueux et gluant, vivant et réveillé à coup de citron, qu’il faut croquer au dernier moment pour éviter les maux d’estomac, me révulsait les papilles.
Toute une tripotée d’ancêtres bretons que j’imaginais en train de froncer le sourcil depuis leur nuage.
Ça paraît tellement festif le rituel de l’huître, avec le petit vin blanc et le pain beurré, que j’ai essayé de m’y convertir, en l’attaquant dans sa version cuite au four.
J’ai passé l’épreuve de l’ouverture du coquillage sans trop de problème. C’est quand j’ai vu les bestioles marines ce contracter juste avant leur cuisson, que les remords et les frissons m’ont saisie.
Que connaît-on de la vie intérieure d’une huître finalement ? Dans le doute, je ne me suis pas sentie le courage de les enfourner et c’est mon mec qui a dû prendre le relais.
En même temps, ce n’est que justice puisque c’est lui qui les a finalement toutes mangées.
Bref, ce soir, pour mériter mon tartare, j’ai finalement glouglouté ma première huître.
Je l’ai consciencieusement assassinée à coup de fourchette dès sa coquille pour éviter qu’elle ne se débatte et je l’ai mangée par petits morceaux.
La cliente de l’autre côté de la salle devait être une amatrice du truc, vu les regards outrés qu’elle m’a régulièrement lancés. J’imagine que mes grimaces de celle qui avale sa ration d’eau de mer sans avoir l’excuse de boire la tasse, ont dû également la dérouter.
Mais je l’ai fait ! J’ai fait mon baptême de l’huître !
Et j’aime autant ça que l’avion, pour tout vous dire.
Faudrait que je songe à mélanger les deux.