illuminés

Il y a quelques années, j’avais vu la vidéo YouTube d’une psychopathe auto-proclamée.
Elle y décrivait une enfance torturée et comment, vers l’âge de huit ans, elle était devenue une psychopathe : à l’entendre, c’était comme une épiphanie, comme la lumière pure de l’intelligence qui l’aurait enfin éclairée d’en haut, hors de la boue noire et sordide des émotions dans laquelle elle pataugeait.
Celles que le fait de n’être pas aimée ou d’être maltraitée lui faisaient ressentir.

Tout à coup, apparemment, cette lumière de l’intelligence lui permettait de voir le monde tel qu’il était, une fois libérée des sentiments qui l’engluaient, et ce détachement lui permettait, du même coup, de ne plus souffrir de ce que faisait sa famille.
Mais de voir au contraire son entourage comme autant de pions sur un échiquier.

Le fait d’assimiler la raison pure à la vraie lumière d’un humain éveillé ne date pas d’hier.
Et par « humain éveillé » j’entends un humain qui serait – enfin ? – libéré des superstitions religieuses et des contraintes intimes liées à la croyance en une force supérieure.

Et ça n’est pas une coïncidence, au passage, si l’on y voit aussi la volonté égotique de ne rien sentir au dessus de soi qui pourrait infuser une once d’humilité.
Humilité, quelle humilité ? Le monde gravite autour des narcissiques. Pas étonnant, aujourd’hui que la Terre ne sache plus où donner de son centre gravitationnel…

Mais pour revenir à cette lumière de la raison, les franc-maçons mettent un œil lumineux au sommet de leur pyramide.
Et le dix-huitième siècle, en France, s’est vu appelé « le siècle des Lumières ». pour la simple raison que les philosophes et écrivains régnaient en maîtres dans les cafés (ce qui leur permettait d’être nourris à peu de frais) et que les consciences politiques bourgeoises se réveillaient à l’aube de nouvelles ambitions.
Je ne sais pas, non plus, d’où vient le mot « illuminati », s’il a été inventé ou s’il a été découvert, mais il est, dans tous les cas, fort bien trouvé.

Et j’ai trouvé, en ce sens, le film « Black Adam » fort éclairant (mauvais jeu de mot intentionnel).
Car j’y ai été frappée par ce petit symbole de mains, triangle au dessus de la tête, que les habitants de la ville fictive faisaient au dessus de leur tête pour appeler leur champion.
S’il m’a rapidement fait penser au sommet de cette fameuse pyramide, j’y ai également lu comme l’absence implicite d’un œil.
Nous autres qui tendons à vouloir ouvrir nos âmes sur une réalité spirituelle supérieure, essayons d’ouvrir notre troisième œil. En revanche, ceux d’entre nous qui veulent mettre l’humain au centre du système, et leur nombril au centre de l’humain, reniant du même coup toute autre supériorité morale ou religieuse, se le collent au dessus de la tête, comme une conscience pure (avec tout ce que ce mot implique de perfection, de sarcasme personnel, de narcissisme et de répression), comme un réverbère qui leur éclairerait les pas.

Cette conscience pure est bien sûre celle de la perception « lumineuse » de l’intelligence. Elle n’est pas celle, morale, du cœur, qui nous retient de faire le mal.
Et pour cause…

Car j’ai été assez choquée par le glissement de terrain moral encouragé par le film « Black Adam ».
Un glissement où les héros traditionnels, soucieux du bien et de justice, sont ridiculisés comme des crétins occupés à sauver tout le monde et n’importe qui et surtout les méchants. Des héros assez veules, de surcroît et assez stupides pour mettre en pratique ces valeurs morales indiscriminées au service du maintient d’une certaine forme de « paix » par un ordre oppresseur en place.
Mais c’est bien sûr…

Car toute personne empathique qui se respecte, c’est bien connu, est une nouille qui aurait aimé qu’on puisse combattre les nazis à coups de fleurs et de boîtes de chocolats.
Et je suis bien sûre que Jeanne d’Arc a retenu ses coups d’épée face aux Anglais…

Mais pour revenir à « Black Adam », face à cette oppression maintenue en place par les bons sentiments aveugles de super-héros naïfs et arrogants, arrive enfin le « champion » encensé par des humains se mettent à réfléchir. Ce brave Adam n’est pas un sauveur, bien sûr, épithète trop Chrit-esque, pour qui ne voudrait pas donner un peu d’humilité à l’humanité.
Non, c’est un champion, un humain parmi les humains, juste plus musclé. Et qui sait voler.
Avec pour prénom celui du fondateur mythique des terriens, qui aurait été foutu hors du paradis céleste par Dieu, à coups de pompe dans le derche pour le crime d’avoir croqué dans la pomme de la connaissance. Celle qui libère de l’asservissement de l’ignorance et des superstitions. Sûrement pas une coïncidence.

Et quel signe de ralliement pour ce Black Adam, humain puissant et ambigu mais plus bénéfique qu’un héros débile ? Le triangle des mains au dessus de la tête.

Or, en tant que citoyen de classe moyenne lambda, élevée dans la conviction que la réalité est relayée par les médias et le consensus, et que tout ce qui en sortirait ne serait que spéculation et théorie du complot, je n’avais aucun à-priori sur le symbole.
Jusqu’à ce que mon intuition, pendant une méditation, me balance que c’est justement celui des Illuminati.
Intéressant.

Après toute la liste des méchants justifiés (Cruella), des super empathes foulés au pied (Luke Skywalker) ou des personnages narcissiques globalement imbuvables, Hollywood aurait-il décidé de faire son coming-out sociopathique et franc-maçon ? Ou pire ?

On a tellement ridiculisé ceux qui, notamment aux USA, ont vocalisé leur conviction su l’existence d’un groupe d’influence à la sauce maçonnique boosté aux stéroïdes, qu »il serait logique de penser que ses membres putatifs pourraient se dévoiler un peu sans risque.

Car on en est au point que toute personne raisonnable qui ose exprimer une opinion pas encore publiée sur papier journal en vienne à ne le faire qu’après une petite intro dans le genre « je ne suis pas normalement adepte des théories du complot mais… », se mettant toute seule, comme une grande, le casque en aluminium sur la tête, et se décrédibilisant sans l’aide de quiconque avant même d’avoir commencé.
Magnifique manipulation globale, pour éviter toute pensée un poil dissidente.
Chapeau bas.

Mais pour en revenir, après ce aparté culturel, au sujet lumineux qui nous occupe, je comprends très bien, intuitivement, la sensation de cette ampoule qui s’allumerait dans le noir du chaos émotionnel.
Les émotions foutent facilement le bordel en interne et même les émotions les plus positives ont une contre-partie souvent douloureuse : l’amour, pour ne citer que lui, n’est pas sans risque, ni inquiétude, et implique l’acceptation inhérente du deuil.

Pour autant, c’est un contrat de dupes, qu’auront signé tous ces braves psychopathes.

Car en rejetant la douleur, le doute et la peur liés à l’amour, à l’empathie ou à l’humilité, ils ont du même coup jeté aux orties toute possibilité de vraie joie ou de bonheur, ne réduisant leurs pics positifs qu’aux seuls plaisirs éphémères.
Ils vont alors dépendre complètement, prédateurs ou parasites, en fonction des points de vue, de l’énergie d’autrui.

Mais surtout, la nature ayant horreur du vide, en s’amputant du plus positif de l’humanité, ils ont laissé tout l’espace à la prolifération des sentiments mesquins ou dévastateurs : l’envie, la haine et la rage n’auront de cesse de croître avant de les ronger tout entiers de l’intérieur.

Après le siècle des Lumières, en France, on a eu la Révolution, la Terreur et des rigoles de sang dans les rues.

Et pour le ridicule d’un passage historique et égotique, pontifiant, dénué de toute conscience et donc de tout retour sur soi et auto-critique, on a eu aussi une déesse de la raison ornée de plumes.

Le 19ème siècle et la première moitié du 20ème qui ont suivi n’ont été pour la France que guerres, révoltes et destruction.
Chaos qu’il est assez facile de relier aux conquêtes napoléoniennes et spirituellement intéressant de nommer karmique.

Et c’est pour toutes ces raisons que lorsque je vois, dans la déclaration d’intention d’une organisation ou d’une association, le mot « enlighted » c’est à dire « illuminé » qui n’a pas, dans le vocabulaire anglais, le seul attribut négatif qu’on lui donne en français… j’ai comme un sombre pressentiment. Pour rester dans le même vocable.

J’y vois instantanément comme des intentions utopiques psychopathiques créées à la seule lumière électrique de l’intelligence. Sans aucune chaleur du cœur.

Or, n’en déplaise à ces chers malades du camp obscur, l’ampoule ne sera jamais le soleil.
Et les papillons qui s’y trompent en subissent les conséquences.

Lorsque je lis le mot « enlighted » ou assimilé, j’y vois aussi tout aussi inéluctablement une fin de dystopie où les seules personnes heureuses seront celles qui géreront le tout d’en haut, avides de nous faire passer pour fous si l’on a pas l’intelligence d’être contents dans ce paradis artificiel conçu comme une équation de données, sans, bien sûr, prendre jamais en compte la vraie nature humaine complète, celle qui est dotée de tout son arc de sentiments.

Et ce que je trouve tout à fait fascinant, c’est qu’aucune des utopies dystopiques mises en place avec ce genre de raisonnement psychopathique sec et foireux n’a jamais eu les résultats escomptés.

Mais que des personnes, qui se targuent de la pureté lumineuse de leur génie, alors qu’elles n’ont pas même le bon sens d’apprendre les leçons de l’Histoire, vont quand même encore essayer…

Et vont fatalement se planter.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *