Le taureau et l’abeille

Quand j’étais petite, voire un peu plus grande, je pensais que l’homme de ma vie, ce serait un aventurier.
Tant qu’à choisir, je l’imaginais plutôt corsaire, de préférence maltais, fleurant bon l’embruns et la fleur d’oranger.
Je sais que les corsaires se font un peu rare de nos jours, mais j’aurais été prête à me "contenter" d’un Titouan Lamazou, dont j’étais allée voir l’exposition "Femmes du Monde" ou d’un Stéphane Peyron époque Canal +.

Heart of Stone by ny156uk (c) http://www.flickr.com/photos/ny156uk/357202901/

De fait, comme toute bonne descendante de bretons qui se respecte, j’ai l’eau de mer et le chouchen qui coulent à part égale dans les veines.
Pour être honnête, surtout l’eau de mer, n’ayant jamais été à la hauteur des attentes de ma mère, question lever de verre.
Et je n’aime pas le whisky ! Un crime de lèse-majesté !

Mais après les péripéties amoureuses classiques : un naze, deux tordus, trois minables… je suis finalement tombée amoureuse d’un paysan Haut-Marnais qui a le mal des transports et vomit au moindre soupçon de vague.
Bon, à proprement parler, il n’est pas vraiment paysan. Mais il s’émeut à l’odeur de l’épandage, voudrait tremper sa tartine beurrée dans le café (shocking !), explose la gueule du tourteau qu’on lui sert au resto (dixit ses amis), et se fout de moi quand je dis être née à la campagne.
Sa campagne à lui, c’est à une heure de la première « ville » d’environ 15OOO habitants.
Sa campagne à lui, c’est la moins peuplée de France et celle qui de surcroît, se dépeuple aujourd’hui le plus vite.

Et mon amoureux à moi n’a rien du cheval fougueux caracolant gaiement vers l’aventure.
Non.
Pour tout dire, il donnerait plutôt dans le genre taureau.
Notez que je n’ai pas écrit boeuf ou vache, je tiens tout de même à survivre jusqu’à demain.
Mon mec à moi est donc un peu comme un taureau, broutant paisiblement son vert gazon, indifférant au fait que les pâturages sont peut-être plus verts ailleurs. Là où il est, l’herbe est fraîche et l’eau est propre et ça lui suffit bieeeen.
(oui parce que les Haut-Marnais parlent en rajoutant des "bieeen tous les 10 mots : "laisse là donc, elle fait bieeen ce qu’elle veut !")

Pink heart of stone by dmpop (c) http://www.flickr.com/photos/dmpop/4114490595/

Et moi, à côté de mon grand ruminant, je donnerais plutôt dans le genre mouche à m… iel, c’est à dire, une jolie petite abeille.
Je lui tourne autour des oreilles, en bzibzitant incessamment et en lui expliquant que dans le champs d’à côté, il y a des jolies fleurs de pissenlit.
Mon mec à moi secoue les oreilles et me fulmine du museau sans jamais arriver à me renvoyer à ma ruche : je suis une abeille têtue.
Et en général, ce qui se passe, c’est qu’au bout d’un certain temps, voire d’un petit coup de dard, mon mignon herbivore prend finalement le mors au dent, se met en branle, accélère le pas et fonce subitement sur le chemin.
Où plus rien ne l’arrête pendant que moi je me mets à penser « oh merde, oh merde, oh merde ! ».
Parce que, le souci c’est que, si j’aime l’idée de l’aventure (surtout en livre), je suis un tout petit peu trouillarde, légèrement angoissée et une pichenette hypocondriaque.

Mais c’est quand même comme ça que, lui le taureau et moi l’abeille, on en est venu à habiter ensemble, à se marier, ou à venir en Argentine.
Je pousse, il résiste, je pique, il charge.
C’est comme ça qu’en dépit de son mal des transports, mon mec va vaillamment et régulièrement vomir dans le petit voilier qu’il apprend à manoeuvrer tous les samedis.

Comme quoi, mon jules à moi, même s’il n’est pas Surcouf, assure sacrément. Et je profite de ce que nous sommes le 14 février pour le remercier d’avoir appris à me supporter et de me faire la vie aussi belle.
Ce soir, 00:00, départ du 15 février et retour à la normale avec ma liste de me reproches. et mes litanies sur ses défauts…

En attendant…
JOYEUSE SAINT VALENTIN À TOUS !

Edit : Il semblerait que je me sois très légèrement trompée : ce n’est pas l’odeur de l’épandage qu’affectionne mon mari, mais celle de l’ensilage.
Ne me demandez pas la différence…

4 réponses sur “ Le taureau et l’abeille ”
  1. Waouh, quelle belle déclaration ! Il en a de la chance le fameux Jules ;o)
    A quand un tel hommage…. plus familial (hé; hé) ?
    Ah mince, y’a pas de fête correspondante pour ça… ;o)

  2. Tsssssss…. même pas reconnue à ma juste valeur…. j’aurais plutôt vu une date comme le 18 avril ou le 9 août… Mais bon, je vois que Mâdame est moqueuse alors finissons-en là….;op

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