Le pire mensonge de l’ego, c’est de convaincre l’humain qu’il est constamment la victime.
Des autres, des circonstances, du temps qu’il fait.
Il est la victime parce qu’il ne peut pas être responsable. Il ne peut pas se remettre en question.
Se remettre en question, c’est douter.
Or, tout le monde n’est pas assez fort pour affronter ces vents-là, la condition humaine est déjà assez difficile, presque invivable sans certitude… Et l’égo est là pour pallier aux faiblesses.
Ce salopard ne s’intéresse qu’à la carcasse et s’en tamponne le coquillard si on y perd notre âme au passage.
Pourtant, si chacun d’entre nous a été ponctuellement la victime de quelqu’un d’autre ou d’un événement, que certaines personnes ont même souffert des atrocités, ceux d’entre nous qui sont sains d’esprit savent aussi qu’on est, la plupart du temps, l’acteur de nos vies et, à plus forte raison, le décideur de comment on le gère dans nos têtes.
On sait aussi que, dans la majorité des cas, ce qu’on traverse, c’est la conséquence de nos actions. Surtout si, comme moi, on croit au karma.
Par un raccourci fort pratique, tous ces gens dominés par leur égo, sociopathes et psychopathes, pensent par la suite que le fait d’être une victime – ce qu’ils sont de façon permanente – les met dans le camp du bien.
Les autres, ceux d’en face sont donc – et c’est presque logique mais c’est bien connu que le diable se cache dans les détails -, des habitants du camp du mal : des créatures maléfiques qui ne méritent aucune empathie.
Et ça tombe bien, me direz vous, de toute façon, l’empathie, notre ami sociopathe en est totalement dépourvu.
Comme tout cela est simple, comme tout cela est commode !
Je suis une victime, je suis du côté du bien et tout ce que je veux est validé, toute personne qui n’est pas de mon côté et ne cède pas au moindre de mes caprices est méchante.
Tous les faits sont par la suite ensuite tordus pour coller au script. Ce qu’on appelle la dissonance cognitive.
Et comme l’égo préférera toujours avoir raison plutôt que d’affronter la réalité, à moins de se prendre le mur, c’est un chemin dans retour.
À l’échelle d’un pays, cela donne Israël.
Des gens venus d’Europe qui colonisent une terre déjà habitée, sous le prétexte que c’est écrit dans un livre religieux et que des personnes de la même religion y habitaient il y a deux mille ans. Ils ne peuvent même pas dire qu’il s’agissait de leurs ancêtres et si Israël interdit les tests génétiques sur son sol, c’est pour une bonne raison…
Déjà à l’époque, l’appropriation de ces mêmes terres avait nécessité le génocide des Cananéens, femmes, enfants et animaux de ferme inclus, et on pourrait se demander de quel genre de divinité, même unique, il pouvait s’agir pour demander un massacre aussi facilement, et, on le verra plus loin, aussi régulièrement.
Mais n’ergotons pas.
En revanche je ne pleurerais pas si le pape décidait enfin d’enlever l’ancien testament de la Bible parce que faire coïncider dans un même livre, pour les chrétiens, la parole de Jésus avec celle qui la précédait et qu’il ne s’est pas gêné en son temps pour critiquer… Me paraît légèrement contradictoire.
Encore une opération marketing à la con du Concile de Nicée ou d’un autre pour se donner une légitimité…
Maintenant que j’y pense…
Est ce que le fait que je sois Franque me donne le droit d’aller chourer la maison d’un allemand ? Et le fait que je descende des Gallo-Romains celui d’aller pieuter gratis à Rome ?
Surtout que je suis catholique, même si je suis très peu pratiquante, et que Dieu a bien dû dire quelque chose là dessus non ?
Est-ce que je ne ferais pas partie des pierres, qui sont venues après Pierre, pour fonder son Église à Rome ?
Mais sachons éviter le blasphème.
Si la terre de Palestine appartient à ces juifs d’Europe centrale, ils ont bien le droit de la récupérer.
Ils sont les victimes. Ils sont le bien.
Ipso facto, les autres incarnent le mal.
Et c’est là où la dissonance cognitive sociopathique peut se mettre en route : parce qu’on peut torturer les méchants, les violer, les voler, les exterminer, les affamer… Ils l’avaient mérité.
Même là, en tant que chrétienne, adepte de la parole du Christ, j’ai plutôt appris la joue qu’on tend que la loi du Talion mais passons sur les détails…
On peut donc se défouler sur les méchants, maléfiques et autres pas gentils.
Même sur les enfants ! Car s’ils ne sont pas coupables aujourd’hui, ils le seront demain.
Ils font partie d’Amalek, ces enfoirés miniatures. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Netanyahu.
Déjà, avec la notion de « peuple élu » inclus dans la mystique, le narcissisme doit être difficile à éviter pour qui prend l’expression au premier degré.
Mais en plus, beaucoup de juifs ont réellement été des victimes ou des descendants de victimes. En revanche, la temporalité et l’inclusion du nom des bourreaux sont de rigueur parce que sinon, on en vient là aussi à une identité victimaire quel que soit le lieu, l’époque ou la réalité sociale.
Or, si les juifs ont été les victimes des nazis ou des collaborateurs français pendant la seconde guerre mondiale, ils n’ont pas été les victimes des Palestiniens après.
J’oserais même dire que ce serait plutôt l’inverse…
Je sais, pour qui veut vivre en dissonance cognitive, même les faits aujourd’hui sont accusés d’antisémitisme.
Alors que c’est tout simple : la dissonance cognitive commence quand le cerveau se tord en bretzel pour justifier le mal. Qu’on fait nous et que les autres qui nous importent font.
Comme si une âme toujours présente ne pouvait plus regarder sa noirceur égotique en face et appelait l’intelligence à la rescousse pour lui tricoter les explications les plus farfelues.
Ils tuent en priorité des journalistes, des médecins, des enfants ? Des terroristes.
Ils bombardent en priorité des hôpitaux ? Des terroristes étaient dessous.
Ils attaquent un pays sans préavis ? C’était préemptif.
Et comme ça jusqu’à plus soif. « Rinse and repeat » disent nos amis anglo-saxons.
Rince et reprends le cycle de la machine à laver les consciences.
Pourtant, j’ai été pro-Israël. Même si je n’ai jamais été au point d’en être fan, comme une sociopathe de ma famille.
Mais avec ma culpabilité d’européenne, j’étais heureuse que les malheureux rescapés de la Shoah aient enfin une terre d’asile.
Je ne me suis pas penchée plus que cela sur la façon dont ils l’ont obtenue, cette terre. J’imaginais que ces pauvres rescapés du mal absolu l’avaient fait pacifiquement.
Je suis coupable de mon inculture.
Et par la suite, j’ai été endoctrinée par les médias.
Mais les réseaux sociaux m’ont montré un soldat de l’armée la plus morale du monde en train de tenir un enfant en joue en rigolant et les plaques tectoniques de ma réalité ont instantanément bougé.
Un seul enfant m’a suffi. Car une armée qui se permet cela, se permettra tout.
Après seulement, j’ai appris qu’en fait, les sionistes étaient déjà à la table des vainqueurs en 1918, au traité de Versailles pour récupérer une terre des mains des anglais. Dont ils avaient déjà obtenu la déclaration Balfour, signée « pour assurer aux Alliés l’appui de l’opinion juive mondiale quand en 1917 la situation militaire était parvenue à une phase critique ». À ce que j’ai lu par ailleurs, cela aurait surtout permis l’entrée en guerre des États-Unis d’Amérique pour nous sauver de la déculottée. Avec le recul, je me demande ce qu’en ont pensé les allemands. Car si j’en crois l’occupation de la France pendant quatre ans, la choucroute de la vengeance se mange aussi bien froide. Et non, ami polémiste de mauvaise foi, ça n’est en aucun cas une justification du nazisme que je hais toujours autant.
Mais pour revenir à la Palestine, surtout, j’ai appris la Nakba.
Bien sûr, me direz-vous, c’est plus facile de ne pas s’enfermer dans la dissonance cognitive quand on n’est pas directement concerné et qu’il ne s’agit pas d’une croyance qui pourrait définir notre identité.
Sauf que je suis déjà passée par là.
Quand j’avais vingt-deux ans et que j’ai réalisé que ma mère n’était pas tout à fait celle que je croyais. Voire même qu’elle en était l’exact opposé.
Quand j’ai compris par la suite qu’elle était une psychopathe.
Or, ma mère était tout pour moi : je me vivais comme un satellite autour de son soleil. Je ne pouvais pas passer une journée sans l’avoir eue au téléphone.
J’étais le résultat de son éducation. Et, croyais-je, de ses valeurs.
Car ma mère, ex-infirmière, était de ces psychopathes dont le masque est la bienveillante perfection, la compassion et l’amour.
Me confronter au trou noir qui se cachait derrière a été pour moi, et de loin, la pire épreuve de ma vie. J’ai eu le choix entre la vérité ou la dissonance cognitive.
J’ai choisi la vérité, je me suis sentie téléportée dans l’hyperespace sans plus d’autre repère que ma foi et j’ai traversé une dépression qui a duré plusieurs années.
Je n’ai eu le sentiment de retrouver une vraie base qu’à la naissance de ma fille.
Alors j’en ai un peu ma claque de tourner autour du pot et de ne pas appeler un chat un chat ou un malade un malade.
Marre du politiquement correct où je verrais bien le doigt de quelques psychopathes à l’égo fragile.
Déjà que j’ai appris sans surprise que l’expression « théorie du complot » avait été popularisée par la CIA à la suite des doutes sur son intervention pendant l’assassinat de JFK.
Parce que pour moi, c’est tout simple.
Quand on vit dans une dissonance cognitive telle qu’on n’a plus aucun rapport avec la réalité, quand on vit dans sa tête dans un monde où tout est inversé…
On est juste fin fou.
Et ces gens déséquilibrés vivent parmi nous, travaillent ou mangent avec nous, dans le monde réel, mais dans leur tête, ils ne cohabitent pas avec les faits.
Ils les tordent, ces faits, pour qu’ils s’adaptent à leur égo.
« Je suis une victime et donc du côté du bien. Les autres sont méchants et méritent le mal que je leur fais. »
Quand ils ne se donnent plus de limites, ou qu’on ne les leur a pas imposées, que ce soit à l’échelle de l’individu ou collectivement, on passe à la catégorie fou furieux.