Jadis, il y a fort fort longtemps, en un siècle qui n’est pas celui-ci, le jeune moi que j’étais ne comprenait pas qu’un grand nombre de personnes puisse croire le tissu d’âneries débité par certains tyrans, gourous de secte, méchants et sociopathes en tous genres.
Et ma pensée d’alors pouvait se résumer à un « mais comment peut-on être aussi CON ! », en général éructé avec le ton de la plus intense frustration.
Cette frustration se trouve un peu allégée par le fait que je pense aujourd’hui savoir pourquoi…
Alors oui, il y a parmi nous des méchants idiots ou des gentils naïfs capables de croire tout ce qu’on leur dit.
Mais il y a aussi de bonnes et intelligentes personnes susceptibles de se retrouver dans une secte et c’est, paradoxalement, le cerveau qui fait tout le boulot pour eux.
Quand, pour une raison ou une autre, en général une raison qui se résume au besoin de croire en quelque chose, le cerveau tricote tout un tas de raisons alambiquées pour justifier n’importe quoi.
Cette envie de croire peut être liée à du confort, à ce que l’on considère son identité – par exemple une foi -, à une personne à laquelle on tient plus que tout…
Le cerveau se met alors à tricoter pour donner les justifications qu’on souhaite : « il fait ça parce qu’il t’aime », « tout le monde dit du mal d’elle parce qu’ils sont envieux »…
Et je le répète encore et encore à mes enfants, dotés généreusement en neurones :
Le cerveau peut-être complètement con et il vaut mieux, dans le doute, s’appuyer sur son bon sens, cette voix des tripes, ou son intuition, cette voix d’en haut, quand l’une ou l’autre se retrouvent en contradiction avec la petite machine qu’on a entre les deux oreilles.
Mais le choix du bon sens ou de l’intuition va souvent à l’inverse de que l’on veut croire.
À l’inverse du confort et d’une part de notre identité.
Alors, sans oser faire un choix que l’on trouverait radical, on se retrouve en dissonance cognitive.
Et le cerveau tricote et tricote encore comme un fou.
C’est à cela que je pense quand des personnes justifient l’attaque d’Israël contre une population en majorité civile en disant que c’est au nom de leur droit à se défendre contre le Hamas.
Comme si des atrocités en justifiaient d’autres.
Comment si on pouvait légitimement se déclarer en guerre, quand il n’y a aucune armée en face (et c’est un mot qui a été beaucoup trop galvaudé ces dernières décennies pour justifier tout et n’importe quel état d’urgence).
Comme si, pour choper un terroriste, un pays comme la France bombardait toute la ville qui est autour (j’imagine que c’est pour cela que cette situation choque moins nos amis états-uniens qui ont fait la guerre à tout un pays au nom de vingt terroristes qui n’en étaient même pas originaires).
Comme si, pour écraser un groupe de terroristes sanguinaires, il est normal de créer une situation où toute une population est réduite à la famine pendant que l’on essaie d’empêcher les aides de leur parvenir, où 90% des enfants de moins de cinq ans ont au moins une maladie infectieuse, où l’on cible les camps de réfugiés où ont échoué ceux dont on a bombardé les maisons, où l’on détruit les hôpitaux, rase les monuments historiques et tue les journalistes qui osent en parler.
Entre autres.
Et comme d’habitude, les voix dissidentes de plus en plus nombreuses, ne sont pas contrées ici par la valeur d’un réel argument – ce qui est de plus en plus impossible – mais par des attaques personnelles.
Qui jouent, dans ce cas de figure, sur la grande peur de l’accusation en « iste » ou en « isme ». Car personne n’a envie d’être accusé d’appartenir au camp d’Hitler et de ses immondes atrocités.
Alors qu’il est trop facile d’oublier que les vraies victimes d’hier sont souvent les réels bourreaux d’aujourd’hui.
Tout comme les victimes d’aujourd’hui pourraient bien être les bourreaux de demain…
La volonté de bon nombre d’entre nous à vouloir se mentir quand ça nous arrange est bien connue des manipulateurs.
Et concerne les meilleures personnes aussi bien que les pires.
Le sociopathe du jour, n’a plus alors qu’à fournir la laine et on va faire tout le boulot pour lui.
C’est du gaslighting avec une personne d’ores et déjà complice. De la lumière au papillon de nuit qui ne demande que ça.
Et, comme si cela ne suffisait pas, l’égo ment aussi.
Tout le temps.
Ce qui fait que certains sociopathes et autres narcissiques, sans conscience ni retour sur eux-mêmes, enfermés dans leur propre bulle personnelle, en viennent à croire réellement le délire foutraque qu’ils vendent aux autres.
La vérité est précieuse tout autant qu’elle est rare.
Mais il est certains affreux qui n’ont pas besoin de se mentir.
Qui ont choisi d’être la voix de leur maître.
À ceux-là, le maître se contente de balancer quelques arguments bancals et visiblement imbéciles, mais que le sociopathe pourra utiliser pour dire quelque chose. Et surfer sur sa mauvaise foi.
Il n’a aucun vrai argument mais ne pourra, bien évidemment, être convaincu de quoi que ce soit et ne cédera sur rien.
Il sait déjà que la partie adverse a moralement raison mais il s’en fout : il veut juste que le mal incarné par son leader gagne et éventuellement en profiter dans son sillage.
Je pense que ce sont ces personnes-là, qui devaient me jeter, avant, dans les pires abîmes de perplexité.
Comment donc peut-on dire que Poutine préfère Biden, même et surtout, quand cette extraordinaire imbécilité sort de la bouche de cet ex-agent du KGB qui ne sait plus dire la vérité ?
Comment peut-on prétendre qu’il a envahi l’Ukraine pour libérer ses habitants d’un pouvoir nazi ?
Comment peut-on affirmer que c’est l’Otan qui l’a bien cherché, quand c’est une institution de défense et que Poutine a justement attaqué un pays qui n’en faisait pas partie ?
Parce que les personnes qui relaient ces fausses informations se mentent.
Ou parce qu’elles te mentent.
Dans chacun des cas, je ne me fatigue plus, car il est impossible de leur parler : on n’a pas d’autre choix que d’attendre qu’elles se prennent le mur toutes seules.
Et elle se le prendront, ce mur.