33. le diable se cache dans les détails
Car les manipulateurs les plus intelligents, qui sont aussi les plus négatifs, vont avoir un discours positif les quatre vingt quinze pour cent du temps et n’y coller que cinq pour cent de mines anti-personnel.
Un exemple entre mille ?
C’est ce maître Reiki qui me dit que je n’ai pas le droit d’avoir peur, parce que la peur me vient de celui qui habite en sous-sol et a des cornes.
C’est subtil, très subtil.
Il ne dit pas, comme les cinq principes du Reiki te l’enseignent pourtant : « aujourd’hui, essaie de ne pas t’inquiéter », formule qui prend en compte le fait que la nature humaine et faillible, que le plus important est d’essayer et que des fois, il est juste légitime de paniquer.
Et qu’il ne faut pas s’en vouloir pour ça, ni se noyer sous la culpabilité mais essayer à nouveau le lendemain.
Non, il dit « la peur vient du cornu » avec le sous-entendu que dès que tu as peur, tu es sur la voie du Mal.
Serais-tu attiré par le côté obscur ?
Ce sous-entendu là tu le lis aussi dans l’intensité de ses yeux posés sur toi qui semblent scruter jusqu’au fond de ton âme pour mieux y déceler la mauvaise graine.
Et là. tout soudain, tu doutes de toi, tu te demandes si tu es complètement une bonne personne, tu chancelles, tu as peur de faillir, tu as peur d’avoir peur et de te confronter à tes zones d’ombre. et tu as encore plus besoin du maître spirituel pour te garder de tes propres pensées et te tenir la main.
Ça aussi, c’est intentionnel.
Il y a aussi ce gourou de la motivation et du bien être qui déclare que tu es entièrement, à cent pour cent responsable de ce qui t’arrive. Que RIEN n’est dans ta vie que tu n’aies choisi.
La chance ni est pour rien. Ni Dieu pour ceux qui y croient. Ou le destin.
Ou l’aide d’autres personnes. Ou le soutien de ta famille, des avantages matériels de départ, le fait d’être né dans une société démocratique… La liste des interventions extérieures dans une vie est juste infinie.
Et oui, je crois qu’il faut prendre la responsabilité de ses choix et de ses actes mais être aussi suffisamment modestes pour savoir que nous ne contrôlons pas tout.
Or ce gourou a convaincu suffisamment de gens pour être multi-millionnaire et j’imagine assez facilement que son ego est heureux de pouvoir revendiquer ainsi l’intégralité de son succès. Que cela doit lui permettre de se sentir comme un être supérieur.
Tout le mérite lui reviendrait et il ne doit aucune reconnaissance, entre autres, au conjoint qui a contribué à sa carrière.
Il le vaut bien.
Mais la contrepartie toxique de ce discours sans nuance, la voilà : si tu es responsable de tout, absolument tout et que tu n’as pas réussi ta vie comme tu le voudrais, que tu es célibataire, que tu ne gagnes pas assez, à peine de quoi survivre, que tu galères, que tu es en surpoids,… C’est que tu es un loser.
Que c’est 100 % ta faute et qu’il faut te secouer les puces. Et pour cela, sans aucun doute, t’appuyer encore plus sur les conseils du gourou, acheter plus de livres inspirants, assister à plus de conférences motivantes, participer à plus de séminaires…
Tout ne dépend que de toi, vraiment ? Ben voyons !
Surtout dans notre monde où les cartes sont de plus en plus truquées dès la naissance. Et vas dire ça à un mec qui survit sous les bombes. À un enfant plombé par une famille toxique. Ou à une mère célibataire qui se bat à chaque fin de mois…
Mais on peut toujours faire confiance à un manipulateur pour ne pas être étouffé par l’empathie.
Et le « il est pauvre, c’est bien qu’il l’a voulu », c’est un argument multi millénaire pour justifier l’arrogance et l’avidité des élites.
Avec en variante, le « je suis riche parce que je le mérite., les autres n’ont qu’à se bouger le cul. »
Prêtez attention aux détails, c’est là que le manipulateur cache la toxicité.
Ceux auxquels on ne pense pas tout de suite, parce que le reste du discours a grosso modo du sens et peut te motiver. Surtout injecté par une bonne dose d’énergie artificielle et de charisme de charlatan. Surtout quand tu te sens perdu et que tu as besoin d’aide.
Mais c’est ce détail-là qui est dangereux. Car il explose tout le reste et peut te faire sentir encore plus mal et te rendre encore plus dépendant.
Un manipulateur, c’est une personne très simple, quand on y pense.
Et ce, quelle que puisse être son intelligence. Qui est parfois très élevée.
Car c’est une personne qui n’a pas développé les qualités pour devenir un humain « terminé » avec tout ce que cela implique de cœur, de conscience et d’auto-responsabilité.
Il a stoppé son développement émotionnel, souvent par peur, parfois à cause de la colère, certaines autres fois par orgueil. Et en ce sens, le milieu social et l’intelligence sont des facteurs à risque.
Car un enfant, contrairement à l’image d’Épinal qu’on veut nous fourguer, à partir du moment où il découvre qu’il n’est pas une extension de sa mère, fait connaissance avec son égo et a une féroce envie de s’affirmer.
Ou, comme une connaissance qui m’a un jour expliqué pourquoi elle n’aurait pas de bébé, l’a formulé : un enfant, c’est « une capacité illimitée d’expansion ».
Ce qui le rend bien souvent plus proche de la sauvagerie que de la bonté naturelle vantée par Monsieur Rousseau.
J’imagine que c’est la survie de l’espèce qui veut ça. Et c’est notre devoir d’adulte que de le faire sortir du cercle de son nombril.
Car la magie est en dehors de ce cercle de l’égo, dans le surmoi, le partage, la générosité, tout ce qui nous dépasse et est plus grand que nous.
Le manipulateur, lui, est resté bloqué à l’état de nature, en mode survie, dans la jungle.
Et il en est fier !
Il n’a, en fait, aucune raison pour cela.
Et la civilisation devra se faire en dépit de lui.