L’année dernière, je suis tombée sur la chaîne Youtube d’un manipulateur pervers qui a pris le parti de révéler les secret de sa caste.
« Those of my kind ».
C’est à dire des négatifs de tous poils.
Il classe donc les siens en trois catégories : the lesser narcissist, the mid range narcissist and the greater narcissist. Avec des nuances dans chaque groupe : « lower greater », « middle greater », « upper greater ». Tu auras compris le principe.
Bien sûr, il fallait qu’il dise « greater », catégorie qui regroupe les mégalomaniaques les plus intelligents : il faut savoir s’enorgueillir – coucou égo ! – d’appartenir au sommet de la pyramide.
Tout est une question d’optique, j’imagine. En tant que personne positive, j’ai tendance à considérer qu’on sombre dans le cul de basse-fosse à mesure qu’on vend son âme.
Mais je m’en voudrais d’intervenir dans l’histoire d’amour qu’ont ces personnes avec elles-mêmes.
Je me suis inspirée de ces trois catégories pour établir les miennes, estimant que personne n’est mieux placé pour connaître son troupeau que le mouton qui broute au milieu.
Et je réécoutais récemment sa vidéo « what do narcissists feel? », où notre psychopathe de service, avec sa voix pompeuse travaillée pour résonner comme une crypte, expliquait que oui, il ressentait des émotions, l’envie, la jalousie, la colère, la haine, et le plaisir que donne le pouvoir en bref, toute la gamète de sentiments bien mignons relâchés par Pandore.
Mais qu’il ne pouvait pas vivre l’amour, la compassion, l’empathie ou la joie.
Et là, on est narcissique ou on ne l’est pas, il se prend à se pencher sur son nombril, autour duquel il est de toute façon constamment en orbite et il s’interroge en substance : « ai-je été créé comme ça ? est ce qu’on m’a délibérément privé de ces émotions pour me permettre de grimper plus haut dans la hiérarchie sociale ? ».
Le sous-entendu assez clair étant qu’il serait un Élu, créé par un pouvoir supérieur qui l’aurait Choisi pour appartenir à l’élite. Oui, parce que notre guide en eaux troubles, qui sait repérer les siens, a conscience que plus on monte sur l’échelle sociale, moins il y a de gens encombrés par leur conscience.
Et
je dois avouer que ça m’a fait pas mal sourire.
Déjà, que pour qui a lu un peu la Bible, ou tout autre texte religieux, sait que les méchants sont rarement créés par les instances supérieures.
Ensuite, il peut toujours se gargariser autant qu’il veut de son importance, lui et son égo vont se retrouver fatalement en poussière dans plusieurs dizaines d’année.
Et ce n’est pas les transfusions de sang jeune que se font certains milliardaires (je sais, j’ai eu aussi du mal à y croire quand j’ai lu l’article) ou les recherches que mènent certains autres sur l’immortalité (là aussi, j’ai halluciné) qui va empêcher ce fait avéré.
En tout cas, pas tout de suite.
Et enfin, personnellement, je suis convaincue qu’aucun bébé n’arrive négatif. Que le méchant ne naît pas comme ça.
Jusqu’à preuve du contraire, et qu’un neuropsychiatre ne me montre le gène de la méchanceté, pour moi, tous les bébés débarquent en étant positifs..
C’est ce que je sens.
Comment, donc, est-ce que notre méchant a choisi son camp ?
Je vais le flatter ici deux secondes – et pourtant il n’en n’a pas besoin – en disant que l’intelligence est souvent un facteur à risque : l’intelligence rend hypersensible et va considérer le moindre revers comme une immense catastrophe. Et cela réveille l’égo. « Comment peut-on me faire ça à Moâ ? Qu’est ce que Moâ j’ai fait pour mériter ça »…
Ensuite, l’intelligence aide à manipuler autrui, en l’occurrence les adultes. Et pour un enfant qui se sent à la merci des plus grands, la famille est rarement une démocratie, ça peut devenir une sensation grisante, celle de reprendre le pouvoir.
Et il y a aussi les deux écueils que sont une enfance trop gâtée et une enfance martyrisée.
Oui, je sais, c ‘est paradoxal.
Et je ne vais sortir ici du politiquement correct en disant que les éducations modernes basées sur l’écoute, que je respecte par ailleurs et que j’applique la plupart du temps, flirtent aussi avec le risque de brosser l’égo dans le sens du poil : c’est mon opinion qu’un petit enfant à qui l’on essaie de tout expliquer de façon interminable va écouter la musique plutôt que les paroles.
Et va boire l’attention exclusive du parent comme autant de petit lait.
A l’autre extrême, un enfant battu (et je ne parle pas ici de la fessée occasionnelle qui n’est jamais recommandée mais peut toujours échapper), constamment dévalorisé psychologiquement ou négligé, risque de se couper de ses émotions et de se mettre en mode survie.
La rage en fait partie.
C’est la raison pour laquelle je me méfie du concept de résilience : une réussite apparente n’est pas pour moi la garantie de la survie de ce qui est, à mon avis, le meilleur de la personne : sa personnalité, sa conscience ou son cœur.
Le manipulateur, dans une version dévoyée de Peter Pan, n’a donc pas su ou pas pu grandir.
Il a refusé d’accepter qu’il n’était pas le centre de l’univers, n’a pas eu le courage ou la possibilité d’affronter des sentiments trop douloureux, préférant s’en couper, n’a pas connu le développement émotionnel qui aurait fait de lui un adulte, ne veut pas prendre ses responsabilités.
Et que se soit par hypersensibilité, par sentiment de supériorité ou pour survivre, c’est mon analyse qu’un négatif fera le choix plus ou moins conscient de se couper de ses émotions entre ses quatre ans – pour les plus précoces – et ses neuf ans.
Il n’a pas quelque chose en plus, il a l’essentiel en moins.
C’est un handicapé.