Est-ce que tu as réussi à te conformer à ce que l’on attendait de toi ?
Et si oui, à quel prix ?
En ce qui me concerne, je n’ai jamais réussi à m’engager sur l’autoroute de ce que l’on considère communément être « la réussite ».
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé…
Je me suis même engagée sur la bonne bretelle, direction pognon : bac bon pour le teint et école de commerce avec le petit plus d’international pour faire bien.
Mais c’est là que mon plan de carrière bien formaté a quelque peu dérayé…
Car j’avais beau faire, je n’arrivais pas à me passionner pour la comptabilité ou le marketing.
« Vous voulez que je vende ça ? » me suis-je exclamée un jour, en entretien d’embauche, devant un marchand de gadgets en plastique qui doivent maintenant se retrouver pour une bonne part, hélas, en train de flotter à la surface de nos océans.
Une autre fois, dans un showroom prétentieux de décoration d’inspiration coloniale, beige, blanc et zèbre, j’ai fait remarquer en riant que je venais de m’enfoncer une des épines de porc-épic dans l’œil.
Ah, l’hypocrisie a rarement été mon fort et j’aurais dû profiter de l’incident pour faire croire alors que c’était d’émotion que je pleurais, devant la beauté des tapis en peau d’animal et des vases à col long.
J’ai essayé, j’ai vraiment essayé mais je n’ai pas pu m’engager sur cette autoroute de l’emploi.
Et j’ai dû tracer mon propre chemin, parfois à la machette. Est-ce vraiment plus facile ?
Je ne crois pas.
Non pas que je dévalue ici, la difficulté qu’il y a à rouler sur une autoroute, à se faire respecter par les autres conducteurs, à doubler tout en respectant les limites de vitesse, à éviter les camions…
Mais que j’aimerais pointer ici le fait qu’il est au moins aussi difficile de s’engager sur son propre chemin.
Il y faut se réinventer sans cesse, rebondir, se battre, ne jamais se décourager, s’auto-discipliner, affronter ses peurs…
En ce qui me concerne, monter une boîte, une deuxième, partir s’expatrier à l’autre bout du monde, se réinventer à la campagne, se découvrir écrivain, partir vivre en Espagne, travailler son style, encore écrire…
Aucun choix n’a été évident, même si parfois il a paru s’imposer. Chacune de ces étapes a exigé son lot de courage face aux doutes, sa part de résilience et son énorme dose de volonté.
Mais en revanche, prendre le chemin de traverse, cher lecteur, t’engager sur un petit sentier qui serpente vers la mer, caché pour tous les autres, sauf pour toi, derrière les ronces et les pieds de lavande, c’est une aventure, et qui plus est, c’est cent pour cent la tienne…