… de ma famille.
Quand tu étais petit, tu as subi un traumatisme. Ou la relation avec tes parents t’était insupportable.
Ou peut-être, en dépit de circonstances globalement favorables, ton hypersensibilité t’a fait ressentir comme insoutenable ce qui aurait fait seulement hausser les épaules à un autre enfant.
Pour toutes ces raisons-là ou d’autres, que je ne connais pas, vers l’âge de huit ou neuf ans, ou un peu avant, tu as commencé à construire un mur autour de toi.
Brique par brique, couche de mortier après couche de mortier, tu t’es coupé de tes émotions pour ne pas souffrir.
Pour ne pas ressentir autant cette peur qui empêche de respirer, pour te détacher du chagrin qui menaçait de te couler.
Et la colère, petit soldat émotionnel qui est là pour te défendre, la colère a trop bien fait son métier : « comment osait-on te faire ça à toi ? », « pourquoi es-tu né dans une famille aussi misérable ? », « pourquoi le monde était-il aussi injuste ? ».
Et encore et toujours, brique par brique, le mur montait.
A l’extérieur, il y avait le monde, que tu ne ressentais plus, que tu n’observais plus qu’à travers une meurtrière.
Et à l’intérieur, cette colère qui est devenue rage et dans laquelle tu marinais.
Le problème, le vrai souci, celui sur lequel tu n’avais peut-être pas compté, c’est qu’en te coupant du monde et de ses dangers émotionnels, tu t’es aussi coupé de tout ce qu’il pouvait t’offrir en beauté.
Et, crois-moi, il pouvait t’offrir, ce monde. Il voulait tellement te donner.
En amour, en joies, en magie, en foi, en petits plaisirs, en émotions positives à déborder, pour peu que tu t’y sois intéressé.
As-tu jamais senti la force d’un arbre ? As-tu observé l’insouciance d’un oiseau ?
As-tu déjà ressenti ton cœur vibrer au son du rire d’un enfant ?
Non, de tout ça tu t’es à jamais privé.
Et pourquoi ? Pour te sentir plus fort, quand, en fait, tu as, en construisant ton mur, établi de la plus éclatante des façons que tu te sentais trop fragile pour affronter le monde sans protection ?
Pour te sentir autonome et invincible quand ton absence d’émotions positives, empathie ou compassion t’a rendu à jamais dépendant de celle des autres ?
Cher manipulateur, que j’ai aimé et qui es encore de ma famille, je te plains.
Et je suis triste pour ceux qui t’entourent et qui ne te voient pas.