Comme je le disais dans l’article juste avant, j’ai un père dont le succès est évident. Médecin ayant fondé sa clinique, respecté professionnellement, gâté financièrement, il a, indubitablement, réussi sa vie. Si, si !
Il m’a donc été assez fermement conseillé de ne pas déroger à cette noble ascension admirée de tous et d’entamer une carrière commerciale.
A l’époque, nourrie aux livres de Paul-Loup Sulitzer, je n’y voyais aucun inconvénient.
Et puis finalement, j’ai changé d’avis. Je suis partie du côté de la mode, de ses excès et de ses défilés. J’ai tenté l’aventure de la création en free-lance, l’ai stoppée, me suis retrouvée à louer une chambre au bout d’un couloir et à compter chaque sou pour une tranche de jambon (je n’étais pas encore végétarienne !).
Je me suis mariée dans la foulée, ce qui permet encore à mon mari – l’infâme ! – de dire qu’il m’a sauvée de la misère, j’ai eu une fille, je suis partie vivre à l’étranger…
J’ai vécu à Buenos Aires la vie mondaine d’une expatriée des beaux quartiers au soleil, mettant au monde mon fils, écrivant des articles pour le journal de mon association.
Rentrée contre ma volonté en France, je me suis retrouvée dans une charmante vieille maison de village aux fenêtres disjointes, à lutter contre le froid, l’humidité, le cafard et les araignées…
« Toi, à la campagne ! » avait alors ricané ma sœur qui savait que je m’étais jurée, lorsque j’avais vingt ans et que j’avais quitté le domicile familial isolé sous sa pinède, de ne plus m’éloigner longtemps du bitume.
« Mais comment vas-tu y survivre ? »
Je me suis en fait complètement réinventée, ne quittant plus mes bottes étanches, achetant des tonnes de lampes pour contrer l’absence de soleil et distribuant des biscottes aux moutons. Et j’ai capitalisé sur mon bonheur de lire et d’écrire en trouvant ce merveilleux groupe d’écriture (coucou les filles !) animé par un auteur de talent (merci Anne).
Puis c’est, pour arriver au présent, le départ pour l’Espagne où je vis aujourd’hui. Entre créations textiles et écriture, mon cœur a balancé un moment, ne voulant choisir, espérant pouvoir courir deux lièvres à la fois, n’en rattrapant aucun et m’essoufflant.
Avant de trancher : mon lapin, ce sera l’écriture.
Et même si je continue de coudre, surtout pour les enfants, l’étoile à laquelle je vais fixer mes yeux, c’est celle sur laquelle on écrit des livres.
Mais… et si jusque-là j’avais perdu mon temps ? Mon inconscient, nourri au rêve de réussite financière de mes parents, m’a renvoyé rageusement pendant toute l’année dernière – l’enfoiré ! – ces rêves récurrents où je retournais sur les bancs de l’école, repassais un diplôme dans l’espoir que cette fois, j’en fasse concrètement quelque chose. Un diplôme, une carrière, voilà les preuves matérielles du succès… non ?
Je suis tombée récemment sur cette vidéo Youtube de Pick Up Lime qui m’a infiniment parlé parce qu’elle t’explique que le succès, en fait, non, c’est complètement différent. Qu’il n’a pas la hauteur de ton compte bancaire : il existe déjà le jour où tu choisis de vivre ton rêve.
Le succès, c’est ce rêve d’arbre que tu as, c’est cette toute petite graine que tu as dans la main, c’est le simple fait de la planter, c’est la chance que tu as de pouvoir l’arroser. Le succès, c’est la persistance de tes soins.
Car alors, ton arbre est inévitable.
Et quand j’y pense, avec ma famille, entre ville et campagne, Argentine, France ou Espagne, mode et écriture, j’ai déjà au moins planté quelques fleurs…